Luc GWIAZDZINSKI, La Ville 24 heures sur 24. Regards croisés sur la société en continu

Antoine Brès
Article publié le 21 septembre 2019
Pour citer cet article : Antoine Brès , « Luc GWIAZDZINSKI, La Ville 24 heures sur 24. Regards croisés sur la société en continu  », Rhuthmos, 21 septembre 2019 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article2443

Ce compte rendu a déjà paru dans les Cahiers de géographie du Québec
Vol. 62, n° 176, septembre septembre 2018, p. 343-366.


L. Gwiazdzinski (dir.), La Ville 24 heures sur 24. Regards croisés sur la société en continu, Paris, Rhuthmos, 2016, 256 p.


Présenté en préambule comme un
plaidoyer pour la disponibilité « en
continu » de la ville, ainsi que le titre
du livre le signifie clairement, le propos
de Luc Gwiazdzinski s’appuie sur le
constat des formes diverses et multiples
d’évolution des modes de vivre la
ville – temps continu des réseaux,
extension du travail de nuit, ubiquité et immédiateté
des relations que permettent les outils d’information et
de communication – alors que « le fonctionnement de
la cité et des territoires est de plus en plus inadapté à
cette évolution », tant il reste structuré par les « rythmes traditionnels ». L’auteur recense ainsi les obstacles auxquels
cette évolution est confrontée en termes d’organisation de
la ville et des services qu’elle est censée assurer, de même
que les conflits qui émergent entre les différentes figures
héritées et émergentes de la ville.


Un grand nombre de contributions, de « regards croisés »,
d’auteurs compose cet ouvrage. Ces auteurs sont issus
d’une grande diversité d’horizons. Leurs contributions sont
encadrées de textes introductifs (introduction et première
partie) et d’un texte conclusif de Luc Gwiazdzinski,
auxquels s’ajoutent une préface de Théodore Zeldin et une
postface de Xavier Emmanuelli.


Les réflexions proposées portent finalement davantage
sur les notions de temps propres aux différents domaines
dont les auteurs sont issus et sur les relations entre temps
et économie productive. La nuit en est parfois absente ou,
au contraire, devient parfois centrale (infirmière de nuit,
policier, médecin urgentiste). Ces réflexions contribuent
pour l’essentiel à donner une image critique, si ce n’est
négative, de la « ville en continu ». Celle-ci serait en effet
« une ville où on compte tout et tout le temps » pour le
philosophe Stieger, qui conclut qu’« on ne peut laisser se
mettre en place la ville en continu » ; un « milieu artificiel »
pour le chrono-biologiste Millet ; « le lieu d’accélération
par excellence, et non celui de la continuité » pour
l’économiste Rabin. Ce qui ressort finalement est un
enchevêtrement des temps de chacun d’entre nous et,
au-delà, des temps des uns et des autres, bien loin des
catégories dans lesquelles on veut les enfermer ; à quoi
il faut ajouter une imbrication totale du temps et de
l’espace que porte la vision phénoménologique, ou tout
simplement biologique. Il faut souligner la conclusion très
forte de Xavier Emmanuelli, qui constate un « enfermement
dans l’espace et le temps » que générerait cette ville en
continu, une aliénation plutôt qu’une libération, bien loin
de la revendication du « droit à la ville pour tous, partout
et à toute heure ».


Ainsi, dans un rapport assez paradoxal avec l’objectif de
l’ouvrage, les revendications ou les attentes qui émergent
de la plupart de ces contributions militent davantage pour
des moments de décélération et de halte, de suspension
des activités de la ville, que pour une quelconque continuité
ou une disponibilité des fonctions urbaines « 24 heures
sur 24 ». Et, avec une certaine ironie, le premier auteur
relève que, justement, la « manière pressée » avec laquelle
le problème est abordé « empêche par ce fait même le
temps de la réflexion que pourtant elle appelle ». L’intérêt
de cet ouvrage réside finalement dans les éléments de
débat ainsi réunis par Luc Gwiazdzinski et dans la question
qu’ils soulèvent : faut-il adapter nos vies, et nos villes, à ces
nouvelles temporalités ou bien, à l’inverse, en tirer parti
pour mieux vivre individuellement et collectivement à notre
rythme ? La conclusion porte bien cette double exigence
qu’un aménagement durable doit prendre en compte : des
espaces et des temps « au choix » dont la combinaison
doit rendre possible à la fois la synchronie du « nous » et
la diachronie du « je ».

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