Ce compte rendu a déjà paru sous le titre « Le rythme : une des formes concrètes du temps. » sur EspacesTemps.net le 2 août 2021.
M. Antonioli, G. Drevon, L. Gwiazdzinski, V. Kaufmann & L. Pattaroni, Manifeste pour une politique des rythmes, Lausanne, EPFL Press, 2021, 168 p.
Le Manifeste pour une politique des rythmes est un argumentaire pour la reconnaissance de la nature rythmique des pathologies du capitalisme et la nécessité de politiques y répondant en termes d’émancipation, de mise en commun, de soin. Le Manifeste se présente à la fois comme un essai sur la notion de rythme, un argumentaire sur sa puissance pour appréhender les enjeux socioenvironnementaux contemporains et un possible objet de politiques publiques.
Les cinq auteurs du Manifeste [1], écrit à plusieurs mains – indistinctes dans l’ouvrage – construisent une réflexion originale, revendiquée comme « indisciplinaire », principalement entre philosophie, géographie, et sociologie (sociologie urbaine en particulier) tout en invitant d’autres disciplines, notamment des sciences humaines, à s’engager dans cet appel à mieux connaître et comprendre les rythmes pour alimenter des politiques capables de répondre aux enjeux rythmiques multidimensionnels identifiés dans l’ouvrage.
Trois hypothèses sous-tendent ce Manifeste. La première consiste à « faire le pari du rythme » pour répondre aux enjeux des pathologies rythmiques du capitalisme marqué par le risque de saturations multiples en termes de congestion, d’étouffement, d’étourdissement, d’épuisement. La seconde consiste à considérer que la notion de rythme permet une nouvelle lecture de l’articulation entre espace et temps. La troisième, qu’annonce le titre même de l’ouvrage, fait l’hypothèse d’une nécessaire politique des rythmes tels que définis à travers les démonstrations précédentes.
La première hypothèse est largement argumentée, la troisième s’inscrit dans la généalogie des politiques temporelles – sur lesquelles je reviendrai – avec une insistance sur les dimensions émancipatrices à rechercher dans une choréopolitique qui reste à préciser [2].
Je propose de discuter ici la deuxième hypothèse qui considère le rythme comme une notion articulant espace et temps à travers deux angles : celui du déploiement des temporalités de l’expérience et des pratiques vécues dont le rythme est une des dimensions et aussi, sous l’angle de l’articulation problématique entre espace et temps. Je fais pour ma part l’hypothèse que le rythme est une des formes concrètes du temps qu’il est certainement important de s’approprier, sans pour autant réduire les temporalités vécues aux rythmes. À travers cette approche, il s’agit ici de contribuer à la réflexion tout en répondant à l’appel lancé par ce manifeste militant et ouvert.
Des rythmes et des temporalités au présent
Bien que les auteurs du Manifeste insistent en filigrane sur la dimension « omni-temporelle » de la notion de rythme, une déconstruction temporelle de l’expérience humaine permet d’ouvrir le débat par ailleurs largement argumenté et documenté dans l’ouvrage.
Il y a effectivement une dimension concrète du rythme qui présente une efficacité culturelle, médiatique et politique probablement nécessaire pour une appropriation intelligible et tangible des enjeux temporels de la société contemporaine. La notion de rythme est proposée dans le Manifeste en démontrant son utilité pour interpréter et travailler des risques temporels identifiés.
Elle dépasse une approche « métronimique » strictement temporelle et métrique, d’un terme pourtant « créée pour unir d’une manière indissoluble le temps et l’espace – c’est-à-dire la vie » – et une approche seulement appréhendée comme une vitesse ou une accélération. Le rythme échappe à la conception limitée et arithmétique « d’ordre du mouvement », héritée de Platon et se définit comme « manière spécifique de fluer », « modalité d’accomplissement », ou encore « configurations particulières du mouvant » (p. 73).
Pour autant, l’efficacité de la notion de rythme ne doit pas occulter d’autres dimensions temporelles, tout aussi problématiques que celles proprement rythmiques, afin d’éviter d’assimiler la notion de rythme à celle de temps, voir à celle d’espace-temps.
À travers une approche anthropologique apparaît clairement que l’expérience humaine est polychronique (Guez et Zanini 2021) et croise en permanence des horizons et des étendues temporelles à la fois orientées vers le passé comme vers l’avenir, celles-ci s’articulant dans le présent vécu. On peut ainsi avancer que si l’expérience est polyrythmique comme l’affirment les auteurs du Manifeste, elle est avant cela polychronique. C’est-à-dire que l’expérience se constitue à partir de phénomènes qui ne sont appréhendables qu’en croisant différents horizons, échelles, et formes temporels.
La discussion pluridécennale sur la nature et les formes du présent, menée par les historiens, me semble utile pour articuler la notion de rythme avec d’autres formes temporelles. La notion de présent, telle que définie par Paul Ricœur (Ricœur 1986), me semble opérante pour appréhender cette polychronie de l’expérience et peut aider à déployer les temporalités propres à l’expérience humaine. Un présent qui doit être appréhendé selon Ricœur dans son acception extensive – c’est-à-dire entendue comme articulation du passé, de l’actuel et de l’avenir et dont l’épaisseur est qualifiée par ses extensions mêmes. Il ne s’agit pas ici de dimensions, mais bien d’horizons signifiants. À travers la notion de présent – compris dans son extension – il est alors possible d’explorer différentes conceptions, représentations et formes d’inscription dans le temps, qui s’expriment aussi dans les choses et dans nos pratiques quotidiennes et/ou rituelles, et/ou exceptionnelles… ainsi que dans nos projections et dans les modalités de leurs fabrications individuelles et collectives.
Mon hypothèse est que l’expérience du temps se déploie dans un présent étendu dont les tensions vers le passé comme vers l’avenir ne sont pas seulement aliénantes. Le présent est l’espace-temps de l’expérience et en cela il constitue un pivot essentiel de notre rapport au temps et aux temporalités faites à la fois de durées, de rythmes, de cycles, de périodes, de mémoires, de projections réelles et imaginaires, de prévisions, d’anticipations et d’incertitudes et ne peut donc être réduit à la quotidienneté. D’importants efforts théoriques et critiques ont porté sur cette notion que Reinhart Koselleck nous aide, aujourd’hui encore, à aborder entre « espace d’expérience » et « horizon d’attente » (Koselleck 1990). François Hartog a montré comment le présent risque de se réduire au présentisme dans le régime d’historicité contemporain, amputant le présent vécu dans son actualité, des qualités et significations de son épaisseur (Hartog 2003). Le philosophe Jean-Luc Nancy insiste, dans cette perspective, sur le risque d’hégémonie des régimes de l’anticipation et de l’anxiété dans lesquelles la « saveur du présent » des plus vulnérables s’abime (Nancy 2020). Jérôme Baschet a récemment poursuivi la réflexion dénonçant le « présent perpétuel » du monde occidental contemporain qu’il propose de dépasser et de déployer en s’appuyant notamment sur sa connaissance de l’expérience chiapanèque (Baschet 2018). Le rapport qui se noue entre le passé et l’avenir, dans une période historique donnée, repérable à travers ses régimes d’historicité dominants, est certainement une question problématique et révélatrice d’une forme imposée de présent par des discours comme par des dispositifs sociopolitiques.
Au-delà des régimes d’historicité, plusieurs auteurs dénoncent les régimes temporels de la société contemporaine caractérisée par des injonctions à l’accélération aliénante (Eriksen 2001 ; Rosa 2010), à l’absence de pause (Crary 2014), au présentisme (Hartog 2003), ou encore à la patrimonialisation muséifiante (Poulot 2006), qui semblent dominer les échelles et les horizons temporels des sociétés occidentales contemporaines. Il y a bien là des critiques rythmiques, mais plus largement temporelles. Ces régimes temporels réduisent les marges d’appropriation – indicateur significatif de liberté – pouvant aller jusqu’à provoquer la recherche de refuges temporels. C’est cette tension culturelle et politique et les risques qui l’accompagnent que relève Jacques Rancière, dans Les temps modernes (Rancière 2018), lorsqu’il revient sur la critique du présentisme développée par Hartog. En s’interrogeant notamment sur le caractère hégémonique du présentisme, Rancière pointe à juste titre, qu’ « il apparut assez vite que ce présent déclaré absolu n’avait pas si bien rompu avec les passions nourries par le poids du passé ou les promesses du futur. Les pays libérés de l’empire communiste du futur se voyaient vite affectés par le retour des grands récits nationaux et des ancestrales haines ethniques ou religieuses » (Rancière 2018, p. 16-17). Une véritable bataille culturelle est en train de se jouer dans le monde contemporain entre des conceptions du présent contrastées qui sont finalement révélatrices de rapports au temps conflictuels et dont les singularités sont structurantes de nos manières d’habiter.
Le Manifeste pour une politique des rythmes, propose en creux, un rapport au présent renouvelé par une négociation choréopolitique [3] des rythmes entre individuel et collectif. Il me semble que c’est dans ce débat, sur notre rapport au temps, qu’ambitionne de s’inscrire ce Manifeste qui propose des leviers de prise sur le présent. Le présent vécu a en effet été, pour un temps, dans l’histoire occidentale, un moment sacrifiable au bénéfice d’une promesse post-mortem. Le projet moderne, s’il a tendu à objectiver et à orienter vers le futur notre rapport au temps, a aussi ouvert l’avenir vers un déterminisme qu’on a cru, du moins pendant les Trente Glorieuses, émancipé des temporalités du vivant, affranchi de l’inertie du passé, tout comme de l’emprise des promesses de l’au-delà. La dénonciation de la réduction du présent au présentisme, voire les tendances de son ancrage dans des enclaves passéistes, nous invite alors à la recherche d’une qualité du présent, émancipé des seuls refuges passéistes, présentistes, ou encore futuristes.
Il ne faut pas s’y tromper, une position philosophique est sous-jacente au Manifeste pour une politique des rythmes. Le choix de la notion de rythme pour travailler politiquement les temporalités de la société est bien un positionnement dans un rapport au temps qui tente de valoriser le présent vécu dans son actualité. En insistant sur cette dimension concrète – rythmique – du temps, les auteurs proposent une prise pour une appropriation génératrice d’un renouvellement culturel de notre rapport au temps.
Pour autant, la notion de rythme seule ne semble pas permettre d’appréhender le présent avec ses extensions mémorielles et ses projections vers le futur. La réduction des temporalités vécues au rythme présente alors un risque d’occultation d’enjeux temporels multidimensionnels par des questions proprement rythmiques. La déconstruction des régimes temporels de la société contemporaine, comme l’ont entreprise notamment les historiens mentionnés plus haut, semble ainsi un chantier nécessaire pour répondre aux enjeux dont ils sont révélateurs.
Une analogie avec la musique me semble explicite : s’il n’y a pas de vie sans rythme comme l’affirment les auteurs du Manifeste, le rythme n’est pas la vie, et s’il n’y a pas de musique sans rythme, le rythme n’est pas pour autant la musique. Dans cette perspective, si l’approche rythmique peut participer à déployer les temporalités de nos existences elle ne peut pour autant les révéler pleinement. L’intérêt du Manifeste pour une politique des rythmes doit alors être rapporté à une architecture temporelle plus complexe de nos expériences et pratiques.
De l’articulation entre espace et temps
Le pari des rythmes que le Manifeste propose de relever s’appuie également sur l’hypothèse que la notion de rythme « permet une nouvelle lecture de l’articulation entre espace et temps » (p. 19). La séparation conceptuelle entre espace et temps est un problème important et l’effort pour identifier, voire forger, des notions qui puissent les articuler pour les concevoir conjointement s’inscrit dans une réflexion théorique et artistique importante que les recherches en physique (Rovelli 2018) alimentent aussi conceptuellement. C’est d’ailleurs un des intérêts des détours de certains penseurs qui trouvent dans des cultures lointaines la distance nécessaire pour penser. Les nuances spatio-temporelles de l’expérience relèvent de différents régimes à la fois du sensible, de l’action, de l’expérience en acte et en gestes, d’historicité, des pratiques. La notion de rythme permet en partie de les appréhender, comme le montrent les auteurs du Manifeste. Il serait pour autant nécessaire de poursuivre l’enquête conceptuelle sur l’articulation entre espace et temps pour en saisir les possibles nuances. Les travaux de François Jullien (Jullien 2001) mettent notamment clairement en évidence les différences profondes qui existent entre les conceptions chinoise et occidentale du temps. La notion de temps n’existe pas en soi en chinois, elle est remplacée par les notions de moment opportun ou de saison qui pourraient se rapprocher d’un Kairos plutôt que d’un Chronos. Moment opportun et saison correspondent à des appréhensions situées et circonstanciées du temps et renvoient finalement à des dimensions concrètes, tangibles, dynamiques et actives de notre inscription dans le temps.
De la même manière, le Ma japonais – intervalle dans l’espace-temps concret (Berque 2014) – renvoie certainement à une expérience spatiale et temporelle particulière, à laquelle il est probable qu’on ne puisse véritablement goûter, que si initié. Cela étant, la poétique du Ma peut nous émouvoir à travers notamment le langage non verbal ou préverbal – pour reprendre l’expression de Philippe Bonnin (Bonnin et Nishida 2014) – d’objets, de jardins, de paysages, de villes ou encore d’architectures. Les artefacts ne séparent pas espace et temps, ils en proposent même une expression conjointe, une synthèse singulière et une expérience sensible voire émotionnelle.
Conception et expérience de l’espace-temps sont liées entre elles et l’exploration de leurs relations est certainement nécessaire et significative en terme d’expérience.
La réduction de l’espace-temps à la notion de rythme présente le risque de ramener les enjeux spatio-temporels à des questions organisationnelles, de gestion ou de régulation, voire à idéaliser les milieux vivants et oublier l’effort civilisationnel pour s’en émanciper, jusqu’à l’excès actuel qui mène aujourd’hui l’humanité à influer sur les dynamiques géologiques qui se révèlent à l’ère de l’anthropocène.
Des politiques temporelles socio-environnementales
La tension est forte entre des aspirations émancipatrices individuelles et les équilibres du vivant à l’échelle de la planète Terre. Les auteurs du Manifeste en ont identifié les enjeux et semblent vouloir y répondre par de nouveaux accords rythmiques, à la fois sociaux et environnementaux dans une vision dynamique qui n’imposerait pas pour autant une structure normative.
Le projet est louable et la démarche nécessaire, et elle s’inscrit d’ailleurs dans la poursuite des politiques temporelles initiées en Italie au milieu des années 1980. Le projet des politiques temporelles, nées d’initiatives féministes et féminines [4], était de faire du temps vécu un objet politique (Guez 2001). Une première saison de recherche-action, commencée en Italie dans les années 1990, était orientée vers l’exploration des possibilités de conciliation des temps de la ville (Bailly 2002). Ceux-ci étaient considérés comme un contrat social, spatial et territorial négociable [5]. Ces politiques publiques ont exploré et expérimenté les ajustements temporels possibles et surtout souhaitables, essentiellement orientés vers une amélioration de la vie quotidienne. Les temporalités sociales, prises comme objet politique, n’y sont pas désincarnées et délocalisées, elles sont un contenant articulé lorsqu’on arrive à les percevoir et à en comprendre les trames chronotopiques (Guez et al. 2018) – c’est-à-dire spatio-temporelles – et les interdépendances systémiques. Les politiques temporelles territoriales sont en cela un vaste projet, non seulement politique, mais aussi culturel, qui reste d’actualité et dont les questions profondes sont certainement révolutionnaires, notamment en termes d’équité et de solidarité. On pourrait d’ailleurs regretter que le Manifeste pour une politique des rythmes ne soit pas un Manifeste pour une révolution des rythmes qui a d’ailleurs été en acte au cours de la « crise » sanitaire. Porter les temps dans l’arène publique, les interpréter d’un point de vue anthropologique – c’est-à-dire vécus – est un projet qui ouvre des champs d’investigations, d’expérimentations, de débats et certainement de virulentes controverses aussi, mettant en jeu des questions et des sensibilités profondes.
L’approche rythmique proposée par le Manifeste s’inscrit dans cette généalogie en proposant de dépasser le projet social des politiques temporelles et de le travailler dans une plus vaste gamme d’accords orientés vers le vivant. « Le rythme est un bel enjeu de société et de développement soutenable qui pose la question du jeu, des marges de manœuvre, mais aussi de l’équilibre entre ordre et désordre, contrainte et innovation, norme et liberté » (p. 154). L’interprétation des enjeux environnementaux en termes spatio-temporels semble effectivement pertinente dans la mesure où elle permet de repenser les disjonctions entre les temporalités propres aux ressources nécessaires à la vie terrestre humaine (eau, sol, air, alimentation ou encore énergies). À titre d’exemple, on peut citer les cycles des émissions productives ou extractives nocives résiduelles. Certains rêvent d’en commercialiser le traitement – à travers par exemple des technologies « solutionnistes » de captage du CO2 – et d’autres envisagent des cycles de remédiation gratuits sous forme de services écosystémiques de la nature dans le vaste, et pour autant limité, « jardin planétaire » comme le désigne le paysagiste Gilles Clément (Clément 1999).
Cette articulation entre les ressources nécessaires à la vie humaine et les dynamiques de leur économie et de leur régénération est certainement de l’ordre de l’accord temporel qui ne peut, à l’ère de l’anthropocène, se jouer que localement, mais bien à plusieurs échelles. Il y a certainement une dimension multicyclique dans ces processus inscrits dans des périodes d’ampleurs différentes comme, par exemple, les cycles de renouvellement du pétrole – huile de roche – qui se compte en dizaine de millions d’années, et qu’on peut rapporter aux cycles d’absorption du carbone nécessaire à la capture des émissions nocives de sa combustion pour la qualité respiratoire de l’air, ou encore entraînant des effets de serre.
On peut comparer ces cycles géologiques aux programmations forestières pouvant aller jusqu’à 100 ans, aux rotations des cultures de vivaces sur des cycles pluriannuels et de l’ordre de 5 à 20 ans, voire plus de 1000 ans pour certaines espèces de fruitiers comme l’olivier.
Pour autant, toutes ces ressources nécessaires à la vie humaine sur terre ne sont pas infinies ni toujours renouvelables, comme le sol cultivable ou l’air respirable, et appellent la recherche d’économie et de dynamiques de préservation de leurs qualités comme de leurs quantités. Il s’agit aussi de transmission et de valorisation d’héritages comme pour les sols cultivables dont la richesse pédologique se construit sur des décennies. Il est alors nécessaire de comprendre ces phénomènes dans leurs dimensions temporelles et de les rendre tangibles dans la période géologique actuelle notamment à travers la recherche d’accords et de transitions désirables.
Le Manifeste pour une politique des rythmes semble avoir été écrit dans une certaine urgence [6], celle du ralentissement de près de la moitié de l’humanité, de l’inquiétude environnementale, et aussi de la crise, comme ouverture de nouveaux possibles. Une réflexion profonde y trouve une résonance particulièrement forte avec un état si singulier du monde. Un moment propice pour mettre en question des fondamentaux qui, bien que fictionnels, s’imposent pourtant sous la forme de régimes temporels si dominants qu’ils nous paraissent souvent immuables.
Si la notion de rythme permet de relever certains défis majeurs des enjeux socio-environnementaux contemporains, son caractère spatio-temporel est indéniable, mais ne recouvre pas pour autant toute la gamme des agencements et des dispositifs nécessaires pour répondre aux enjeux soulevés par le Manifeste. Celui-ci a le mérite de montrer la puissance de la notion de rythme, mais ne doit pas pour autant réduire les temporalités en jeu dans le monde contemporain, ni occulter la vaste gamme des compositions possibles entre espace et temps et les saveurs anthropologiques qui peuvent en émerger.
Bibliographie
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