Note sur les cycles économiques

Rhuthmos
Article publié le 25 juin 2010
Pour citer cet article : Rhuthmos , « Note sur les cycles économiques  », Rhuthmos, 25 juin 2010 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article68

Les théories économiques dominantes évoquent fréquemment quatre cycles, plus ou moins coexistants selon les théories, et chacun d’une récurrence différente :


* le cycle Kitchin (3 à 4 ans),

* le cycle Juglar (8 à 10 ans),

* le cycle Kuznets (15 à 25 ans),

* le cycle Kondratieff (40 à 60 ans).

 Le cycle court d’une dizaine d’années (ou de Juglar)

La survenue régulière de crises générales tous les huit à dix ans est observée depuis environ 200 ans. Les auteurs de ces théories postulent qu’elles auraient été déjà présentes bien avant, mais le caractère presque totalement agricole des économies en rendait l’explication différente.


Pour la France la séquence est la suivante :


1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1882, 1891, 1907, guerre de 1914, 1921, 1931-32, guerre de 1940, 1952, 1963, 1974, 1983, 1993, 2002, 2008.


Pour les États-Unis, Hansen dans Business cycles and national income évoque les creux de dépression suivants : 1876, 1885, 1896 1908, 1921, 1932, 1938.
Pour l’après-guerre les grands creux sont aux États-Unis : 1952, 1958, 1972, 1982, 1992, 2001, 2008-2010.


À partir du début du XXe siècle, la périodicité est ajustée avec celle de l’Europe. En général la crise commence aux États-Unis et se propage dans les 18 mois suivants à l’Europe.

On trouve des références innombrables au cycle dans les textes du XIXe siècle. Willard Philips écrivait en 1828 : « Comme les affaires vont connaître flux et reflux, le plus rapidement une crise qui s’approche pourra être détectée, moindres seront les souffrances de la population ». Dans Le Manifeste Communiste de Marx et Engels, on évoque « le retour périodique des crises commerciales qui met en cause à chaque fois de façon plus menaçante l’ensemble de la société bourgeoise ». John Stuart Mill dans ses Principes d’économie politique de 1848 parle aussi des « crises commerciales » et leur caractère « presque périodique ».


Clément Juglar postule le premier l’existence d’un cycle court, en répondant à une question mise au concours public par l’Académie des sciences morales et politiques. Son livre, Les crises commerciales et leur retour périodique en France en Angleterre et aux États-Unis (1862) fait date. Il a étudié en détail les premières crises du XIXe siècle et notamment celles de 1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1882, 1891. Exploitant les courbes des prix et l’évolution du crédit, l’auteur montre que la crise décennale est due principalement aux dérèglements périodiques du crédit. Il met les banques au centre de l’explication des crises dites alors « commerciales ». Pour lui la spéculation et le crédit tendent les ressorts économiques à l’extrême. La période d’euphorie finale provoque des anticipations excessives qui ne trouvent pas de réalité. Le renversement commence. Le crédit s’arrête. L’investissement également. Les entreprises se retrouvent avec des capitaux sans rentabilité et des excès de stocks. La production ralentit. le chômage augmente. Les prix baissent entraînant des anticipations négatives qui aggravent la crise. Certaines banques trop engagées font faillite. Puis la situation est assainie. La reprise se produit progressivement. L’optimisme revient et l’investissement reprend puis s’accélère.


L’analyse de Juglar se fait dans un contexte de grande flexibilité des prix et dans un cadre monétaire d’étalon bi-métallique or et argent, ce qui explique que ses deux principaux indicateurs étaient la courbe des prix et celle des taux d’intérêt. Appliquant une grande rigueur formelle à ses analyses, il pensait pouvoir prévoir les crises de façon presque certaine.


Juglar a ensuite été confronté à des prévisions ratées, qui ont porté atteinte à son crédit. L’orthodoxie financière dominante à la fin du XIXe siècle n’était pas prête à admettre que la profession bancaire, en pleine expansion, puisse être soupçonnée le moins du monde d’une responsabilité dans l’horreur des récessions !


La crise de 1921 remet d’actualité l’étude du « cycle de dix ans », car précédée en 1907 d’une crise bancaire et boursière particulièrement dure. Wesley Mitchell en 1927 publie Business Cycles the problem and its setting. Il définit le cycle comme une fluctuation de l’agrégat global d’activité économique (on dirait le PIB aujourd’hui). En 1927, A.C Pigou, le père du fameux « effet Pigou », voit plus les variations économiques comme des réponses à des chocs qui ébranlent l’économie et provoquent son déséquilibre. Toute la question est la récurrence de ces chocs : sont ils exogènes ou en partie endogènes ?


Après la crise de 1929, l’analyse des forces cycliques reprend avec vigueur. J. A. Schumpeter publie en 1939 Business Cycles, une étude du cycle simplifiée en quatre phases : « prosperity, recession, depression, recovery ». Son idée est que l’investissement commande le cycle et qu’il est largement dépendant de facteurs d’entraînement psychologiques qui peuvent pousser à l’euphorie pendant les périodes de succès et inversement à la morosité lors d’une retournement. La récession serait le fruit naturel de l’expansion rapide qui la précède. Il reprend un part notable de l’apport du Russe Togan-Baranowsky qui déjà avait lié les phases d’expansion et de repli aux mouvements de l’investissement.


C’est le livre majeur de J.M. Keynes qui renouvelle toute la théorie de la crise économique, analysé comme une rupture de la demande globale. L’étude du cycle proprement dit sera après guerre le fait des économistes keynésien qui partent des fluctuations de la demande globale et des moyens de la contrôler, notamment Alvin Hansen.


On entre ensuite dans une période économétrique, qui est aussi celle de la réflexion économique et la production de modèles macro-économiques et prospectifs.


* Puisque l’activité peut être pilotée et la demande globale contrôlée, le cycle peut être atténué. Il est vrai que les grandes récessions quasi-décennales qui voyaient l’activité se contracter de 20 à 30 % disparaissent après guerre au profit de ralentissements de bien moindre envergure. Les théories du cycle quittent progressivement les préoccupations de la recherche économique.


* Le FMI par la voix de son économiste en chef, Kenneth Rogoff, annonce même en 1999 la quasi fin des crises. Elles seraient de moins en moins graves. Peu après la bourse s’effondrait et la crise de 2001-2002 commençait.


* En vérité, la crise de 1974 a été sévère dans le monde entier, celle de 1982, sévère aux États-Unis et en Grande Bretagne, celle de 1992-1993 sévère partout et celle de 2001-2002 fut significative. Elles débouchent aujourd’hui (2008-2010) sur une crise encore plus sévère dont on craint qu’elle soit de la même magnitude que celle dite « de 1929 ».


Le cycle court de 8-10 ans s’impose à nouveau en haut des préoccupations et n’a pas encore livré tous ses secrets.

 Les cycles longs (ou de Kondratieff)

L’existence de crises économiques plus dures et plus longues que d’autres a fait évoquer un possible cycle long de l’économie, c’est-à-dire de mécanismes répétitifs reproduisant les mêmes effets. Comme pour les crises périodiques de 6-10 ans, ce n’est pas tant le fait qu’il y ait des récessions qui est contesté mais leur caractère réellement cyclique qui pourrait permettre via des dispositifs statistiques et prospectifs avancés d’en prévoir la survenue. Le problème est compliqué par le fait qu’un cycle de 40-60 ans offre historiquement moins de séquences à observer et que la transformation des économies rend précaires la comparabilité des artefacts. Une tentation est de s’attaquer aux chiffres qu’on connaît bien et de leur donner une importance phénoménologique peut être excessive. Ce fut par exemple le cas des prix dont l’évolution est connue depuis longtemps, pour Juglar. Ce sera également le cas pour le statisticien Kondratieff. Ce dernier aura un destin tragique : il sera fusillé par ordre de Staline pour avoir laissé croire que la crise du capitalisme n’était pas « finale » et qu’après la crise pouvait naître une nouvelle période de prospérité. La postérité des travaux de Kondratieff sera également difficile. Tous ceux qui ont cherché à prévoir l’avenir avec des modèles dérivés de ses idées seront démentis par la réalité. On retrouve l’échec statistique de Clément Juglar.


Selon Kondratieff, la phase ascendante s’accompagne progressivement d’un excès d’investissement réalisé par les entreprises pour faire face à la concurrence, ce qui provoque une hausse des prix, les industriels répercutant leurs coûts de production sur les produits, et des taux d’intérêt qui augmentent face à la forte demande de monnaie. Il s’ensuit donc un déclin de l’activité économique durant laquelle les prix baissent, dû à excès d’offre et à une baisse de la demande, ainsi que les taux d’intérêts, la baisse de la consommation et des investissements entraîne une baisse de la demande de monnaie, ce qui permet une purge du système et prépare le terrain pour une nouvelle phase de croissance.


Pour chacun des cycles, il identifie 3 phases :


* Période d’expansion (20ans) = Phase A pour Simiand


* Le plateau ou récession primaire (10ans)


* Période de dépression (20ans) = Phase B


Selon lui, les mouvements de l’économie ont 3 caractéristiques : Ils affectent l’ensemble des activités économique, ils affectent tous les pays et l’indicateur pour identifier ces mouvements est le prix. (Phase A = Augmentation des prix, Phase B = Période de déflation).


Dans ses travaux, il voit 3 cycles longs :


1er CYCLE : 1790-1849 : Phase A dure jusque 1814 / Phase B 1814-1849


2e CYCLE : 1849-1896 : Phase A dure jusque 1873 = augmentation de la production et faibles taux d’intérêts / Phase B 1873-1896 = Grande Dépression (déflation et dépression)


3e CYCLE : 1896-... : Phase A dure jusque 1920 / Phase B 1920-1945


Il ne voit pas la fin du cycle du fait de sa déportation en camp de travaux forcés.

 Ajout de Schumpeter

Peu satisfait par cette explication, Joseph Schumpeter propose une autre théorie pour expliquer l’alternance des phases A et B. Il relie les fluctuations de l’économie à l’apparition d’innovations majeures qui surviennent par « grappes » donc au progrès technique. Ainsi, selon lui, la phase A correspond à la période de diffusion et d’amortissement des nouvelles innovations. Durant cette période, la demande de biens est forte, ce qui permet une augmentation générale de la production et assure donc la croissance économique. Peu à peu, lorsque les agents économiques sont équipés en nouveaux produits, la demande baisse, alors que la concurrence entre les entreprises est de plus en plus rude. On parvient alors au point de retournement du cycle. La phase B correspond à l’élimination des stocks, à la fermeture des entreprises et des filières les moins rentables ce que Schumpeter appelle le phénomène de « destruction créatrice » et à la préparation d’une nouvelle vague d’innovations.


Ainsi :


*L’apparition des engins à vapeur


*Les trains et rails


*Électricité et l’apparition des voitures


*Invention des avions et des appareils électroniques


*Les nouvelles technologies tels que l’Internet ou les médias numériques.




L’intérêt pour les forces à long terme déterminant la prospérité, dans la foulée de Schumpeter, qui s’était développé dans les années soixante (institut Rand aux États-Unis, Futuribles en France) s’est par la suite beaucoup émoussé du fait de l’esprit « court-termiste » qui s’est emparé des économies à partir de 1971 et de l’instauration des changes flottants. Il est vrai que la durée de vie d’un produit est de quelques années seulement et que l’accélération des technologies rend la prévision à moyen et long terme particulièrement difficile et spéculative. La mondialisation rend le champ statistique également beaucoup plus complexe.

 Les cycles mineurs (ou de Kitchin)

Kitchin a repris les travaux de Juglar et a cru discerner un cycle intermédiaire dont la cause serait le cycle des stocks ; on déstocke trop en période de crise on surstocke en période d’optimisme. Le mouvement des stocks interagit avec celui des taux d’intérêt et des prix. Souvent repris sous forme de l’ « analyse de la chaudière » ou des décalages de temps (« time lags »), on retrouve ce mécanisme dans de nombreux cours d’économie qui sans aller jusqu’à justifier la rigueur cyclique postulée par Juglar et Kitchin admettent des phénomènes récurrents. Une métaphore est la circulation sur autoroute qui montre qu’un coup de frein en aval et quelques réactions en chaine peuvent provoquer un fort ralentissement, voire un arrêt, en amont, donnant son profil de « stop and go » à la circulation routière dès qu’il y a un peu de trafic. L’analogie de la chaudière est également expressive ; on met du bois dans la chaudière tant qu’il ne fait pas chaud. On dépasse la température visée. Du coup on cesse d’alimenter la chaudière. Au bout d’un moment le froid revient et le cycle se réamorce.


À la fin des années 1990, la montée de l’économie de service, de l’économie de l’immatériel puis d’une économie largement immatérielle a conduit certains à annoncer « la fin du cycle » et l’avènement d’une « croissance perpétuelle » pendant le boom des valeurs informatiques et télématiques. Plus de stock, plus de cycle...

 Les cycles de Kuznets

Simon Kuznets a commencé sa carrière d’économiste avec sa thèse (universitaire) sur le cycle, publiée en 1930. Il considérait qu’une véritable observation économique implique un appareil statistique et des indicateurs fiables. Il a défini des cycles de 14-20 ans, qui ne convaincront pas réellement. Il travaillera avec Arthur Burns au sein du National Bureau of Economic Research pour affiner la comptabilité nationale. Il obtiendra un prix Nobel d’économie. Ses travaux sur le cycle de moyenne durée n’ont été ni confirmés par les faits ni repris par les économistes.


Source : [wikipedia]

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