Note sur le renouveau des études rythmiques

Pascal Michon
Article publié le 21 juillet 2010
Pour citer cet article : Pascal Michon , « Note sur le renouveau des études rythmiques  », Rhuthmos, 21 juillet 2010 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article134

Qu’est-ce qui explique le renouveau des études rythmiques auquel nous assistons depuis une dizaine d’années ?


Une bonne partie des motivations des chercheurs intéressés aujourd’hui par le rythme semble tenir au fait que celui-ci propose une alternative aux anciens paradigmes structural et systémiste, mais aussi aux deux paradigmes qui leur ont succédé (au gré, du reste, d’alliances ou de conflits plus ou moins importants) : les paradigmes différentialiste et individualiste.


En tant que « forme du mouvant », le rythme permet de penser ce qui, jusqu’ici, restait invisible : non pas tant les interactions entre les individus, ni celles entre les individus et les systèmes, que l’organisation générale, les « manières de fluer » de ces interactions. Au lieu de poser les individus singuliers et collectifs puis de voir comment ils peuvent interagir, au lieu même de poser un primat des interactions sans se préoccuper de leurs formes dans le temps, il permet de donner le primat à la production de ces individus et d’en montrer l’organisation temporelle et spatiale. Il rend ainsi possible de sortir des problèmes lancinants que posent aux sciences de l’homme et de la société, mais aussi à la philosophie, les rapports entre individus et systèmes, quelles qu’aient été les innombrables manières de considérer leurs conjonctions, imbrications ou dialectiques. En tout état de cause, la fin de la domination épistémologique de l’individualisme méthodologique, l’épuisement des pensées déconstructionnistes et différentialistes – et l’impossibilité évidente d’en revenir aux solutions structurale ou même systémique – offre au rythme (au moins dans la définition nouvelle proposée sur ce site) la possibilité de s’imposer comme modèle transversal. Du simple fait de l’affaissement de ses concurrents, le rythme semble être devenu un modèle formel potentiellement généralisable.


Une seconde hypothèse concernerait le sens historique de cette mutation des savoirs. Pour ce qui concerne les sciences sociales, il semble vraisemblable que cette transformation conceptuelle soit liée plus ou moins directement à la mutation qu’a connue le monde autour du point de bascule des années 1990. Les modèles structural et systémique correspondaient au monde relativement stable qui s’était mis en place à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Les modèles différentiel et individualiste étaient adéquats au monde en transition des années 1980-1990. Le concept de rythme paraît désormais nécessité par le monde à la fois fluide, divisé et lieu de constitution de nouvelles puissances dans lequel nous vivons.

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