ÉTUDES SLAVES – Appel à articles pour le n° 22 de Temporalités (2015/2) – « Temporalités et mutations du monde russe et post-soviétique »

Rhuthmos
Article publié le 5 octobre 2014
Pour citer cet article : Rhuthmos , « ÉTUDES SLAVES – Appel à articles pour le n° 22 de Temporalités (2015/2) – « Temporalités et mutations du monde russe et post-soviétique »  », Rhuthmos, 5 octobre 2014 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article1350

Appel à articles pour le n° 22 de Temporalités (2015/2) : « Temporalités et mutations du monde russe et post-soviétique » – Dossier coordonné par Natalia Leclerc (UBO) et Anne Le Huérou (Université Paris Ouest Nanterre, ISP, CERCEC)


Vingt-trois ans après la chute de l’Union Soviétique, les termes et les concepts dans lesquels peut s’appréhender la Russie contemporaine ont évolué. Dans l’optique d’une lecture à l’aune des temporalités (c’est-à-dire d’une vision plurielle des temps humains, par opposition à une vision objectivée d’un temps qui serait continu et uniforme), les interprétations des mutations vécues se font concurrence : si la piste d’une conjoncture révolutionnaire n’a jamais été suivie, les questionnements sur la « transition », rapidement dépassés, ont été relayés par d’autres approches qui font place aux notions de path dependency, de transformations et de mutations qui vont bien au-delà d’un simple changement de régime, mais produisent des configurations inédites, pour l’analyse desquelles de nouveaux outils sont actuellement pensés. D’autres travaux ont mis en avant une superposition particulière de temporalités différentes (temps économique vs temps politique et temps sociétal) qui rendent d’autant plus complexe l’analyse de ces transformations.


De quelle manière les évolutions et les mutations sont-elles donc présentées ? Qu’est-ce qui relève, dans ces représentations, de la rupture, et de la continuité ?


Temporalités individuelles et collectives, mais aussi temporalités économiques, politiques et sociétales sont à envisager dans leur singularité, dans leurs articulations et leurs tensions. Les points de rupture et les bifurcations sont à envisager avec attention car ils ne correspondent pas toujours, loin s’en faut, à ce que le sens commun désigne comme les événements clés. Quant à la continuité, elle peut s’appréhender par un retour sur l’histoire russe et soviétique en particulier par la manière dont celle-ci est convoquée comme source de modèles, d’antithèses ou de références. L’histoire (history) inspire ainsi une réflexion sur les mutations vécues, mais également des pratiques, mises en œuvre dans le cadre de politiques publiques et institutionnelles.


L’histoire racontée (les récits historiques – stories), qu’elle raconte l’histoire collective ou individuelle, met en évidence ces ruptures et/ou ces continuités. L’histoire comme formalisation de la mémoire collective relève de l’activité herméneutique qui, dans ses manifestations extrêmes conduit de l’interprétation à la réinterprétation et à la falsification. La mémoire collective passe aussi par la constitution d’un patrimoine, institution qui est aujourd’hui interprétée comme appartenant à l’ordre du figement. Face aux processus propres à la constitution ou à la fabrication d’une mémoire collective, on trouve aussi la construction des mémoires individuelles, qui passent par la tenue d’un journal ou par le témoignage rétrospectif. C’est ce que propose A. Yurchak qui convoque différents matériaux et plusieurs disciplines pour montrer dans Everything was forever, until it was no more à la fois à quel point le régime soviétique tardif semblait éternel et comment sa fin était attendue et prévisible. Les écrits, les récits de vie comme sources de connaissance pour les sciences sociales des mutations vécues par le monde russe peuvent être un axe d’étude pour comprendre quel rôle joue le passé et son appréhension dans l’écriture du présent et de l’avenir. En outre, le travail sur la vie quotidienne permettrait une approche anthropologique de la question des temporalités dans le monde russe.


Cette histoire est à la fois celle de l’empire russe d’avant 1917, et celle de l’Union soviétique. Dans les représentations « grand public » des mutations de la Russie actuelle, on rencontre des discours qui mettent en avant le retour du soviétisme, ou bien la question de l’empire – pour aboutir souvent à la conclusion hâtive selon laquelle la Russie vit dans une forme assumée de continuité, notamment celle du pouvoir fort. L’analyse des discours, des représentations et des pratiques permettra de déceler l’utilisation de références à une cyclicité dans le cadre de la fabrication d’un autre système, d’une reconfiguration, d’une nouvelle combinaison, qui associe les éléments anciens aux mutations nécessairement nouvelles.


Dans la catégorie des représentations, il serait également intéressant d’étudier le rôle des mythes, qu’il s’agisse de ceux auxquels adhèrent les Russes en Russie, ou de ceux que se fabriquent les Occidentaux. Le mythe a une fonction fondatrice, une fonction d’identification, mais aussi d’explication, il est ancré dans le temps long : comment s’écrit-il et quelle influence a-t-il dans la construction des nouvelles configurations russes ? Du reste, la notion de mythe elle-même est à interroger : créer une configuration mythique est sans nul doute une ambition du pouvoir, mais le marketing politique suffit-il à donner naissance à une telle construction ?


Si l’on s’intéresse au court terme, une des catégories du temps est celle du rythme et du tempo : par quels moyens le pouvoir donne-t-il son tempo à la société russe ? Et comment ce tempo donné sur l’action à court terme se combine-t-il avec le sentiment donné par V. Poutine à la société que le pays est en voie de redressement sur le long terme – ou même que le processus est abouti, compte tenu de la place retrouvée de la Russie sur la scène internationale par exemple (la gestion de la crise ukrainienne peut fournir une étude de cas intéressante sur ce point) ? Ceci amène à une autre interrogation, celle du tempo que la Russie chercherait à donner au monde en procédant à des transformations qui contribuent à construire un nouvel ordre international, introduisant de l’incertitude qui rendrait caduque la temporalité de l’après-guerre froide.


Le tempo du pouvoir est donné par la politique intérieure sous sa forme institutionnelle, c’est-à-dire par les réformes conçues, votées puis mises en application sous la présidence de V. Poutine – processus dont le calendrier serait intéressant à observer. Mais il passe aussi par la politique intérieure en tant qu’elle est menée par l’homme V. Poutine, et son instauration d’une verticale du pouvoir, qui engendre en retour résistances et révoltes, émergence d’oppositions ou au contraire de mouvements de soutien et d’appui au pouvoir en place. Quelle utilisation des médias et des réseaux sociaux observe-t-on dans le renouvellement ou le développement des modes de mobilisation et comment reconfigurent-ils les temporalités politiques ?


On pourra également accorder une importance particulière aux temporalités de crise : face aux conjonctures critiques, le pouvoir est tantôt dans une logique de confrontation (la crise constitutionnelle d’octobre 1993 en fournit un exemple), tantôt dans une logique d’aplanissement.


De manière générale, caractériser les différentes temporalités à l’œuvre dans les discours sur la Russie actuelle permet de réfléchir aux temporalités que l’on associe généralement aux régimes dits démocratiques représentant la plupart des sociétés occidentales et montrer en quoi elles se distingueraient d’autres régimes. On peut par exemple s’intéresser aux temporalités propres au vote et aux campagnes électorales, ainsi qu’à l’alternance. La notion de temporalités pourrait être explorée sur le long et le court terme. Elle recouvre le rapport au temps dans toute sa diversité : les temps sociaux et de sociabilité de la vie quotidienne, le rapport à la culture et à la politique.


La revue Temporalités étant pluridisciplinaire, les articles attendus pourront relever de différentes disciplines des sciences humaines – sociologie, anthropologie, économie, science politique, histoire, droit, linguistique. Cette liste n’est pas exhaustive. La revue privilégie la publication des résultats de recherches empiriques et dont le périmètre est clairement délimité.


Envoi des projets d’articles : La sélection des projets d’articles se fera à partir d’une note d’intention de 5 000 signes, qui devra parvenir aux coordinateurs du numéro, Natalia Leclerc (natalialeclerc@gmail.com) et Anne Le Huérou (anne.lehuerou@free.fr), ainsi qu’au secrétariat de rédaction de la revue (temporalites@revues.org) avant le 15 décembre 2014.


Calendrier récapitulatif, échéances :

Réception des propositions (résumés de 5 000 signes maximum) : 15 décembre 2014
Réponse des coordinateurs : 15 janvier 2015
Réception des articles (50 000 signes maximum) : 15 avril 2015
Retour des expertises des referees : 30 mai 2015
Réception de la version révisée : 1er septembre 2015
Remise des version définitives : 15 octobre 2015
Parution : décembre 2015

Nos consignes aux auteurs : http://temporalites.revues.org/684

Nos procédures : http://temporalites.revues.org/683

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