ÉTUDES LITTÉRAIRES – Journée d’études « La narrativité du vivant » – Appel à contributions – Université de Poitiers – 10 avril 2015

Rhuthmos
Article publié le 6 février 2015
Pour citer cet article : Rhuthmos , « ÉTUDES LITTÉRAIRES – Journée d’études « La narrativité du vivant » – Appel à contributions – Université de Poitiers – 10 avril 2015  », Rhuthmos, 6 février 2015 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article1471
La narrativité du vivant

Journée d’étude – FoReLL

Université de Poitiers – vendredi 10 avril 2015


Invités d’honneur


Pierre Senges (écrivain) et Dominique Lestel (philosophe-éthologue)

pour Les aventure de Percival. Un conte phylogénétique


Laurence Dahan-Gaida (Univ. De Franche-Comté, directrice de la revue Epistémocritique)


Anne Simon (CNRS/EHESS, responsable du programme Animots)


Organisée par Marie Cazaban-Mazerolles et Paula Klein


« Le problème de la vie n’est plus un problème local, un problème parmi d’autres, [au contraire,] l’on pourrait bien assister aujourd’hui à l’extension du problème ou du modèle du vivant à tous les domaines du savoir et de la pratique. » (Worms, La philosophie en France au XXe siècle, 2009) Selon F. Worms, notre époque serait celle de la promotion du vivant dont le souci migrerait de ses territoires épistémiques spécifiques (biologie, zoologie, éthologie, écologie) vers de nouveaux espaces pratiques et théoriques : philosophique, éthique, mais aussi politique, économique, juridique, etc. Le domaine esthétique n’est pas en reste de cette tendance générale, comme en témoignent le développement depuis une quarantaine d’années du « bio-art » ou encore l’affirmation croissante de champs critiques concernés par les rapports entre le vivant et la littérature [1]. Souhaitant contribuer à l’examen de la participation des pratiques artistiques à ce « moment du vivant », cette journée d’étude invite plus particulièrement chercheurs et praticiens issus de différentes disciplines à se pencher sur la question de sa mise en récit, problématique à plus d’un titre.


En effet, si l’on connait depuis les analyses de Ricoeur le rôle essentiel joué par le récit dans l’ordonnance de l’expérience du temps vécu, l’instantanéité supposée par la formule même de « vivant » semble immédiatement peu compatible avec la substance temporelle de toute narration. Par ailleurs, et si l’on admet avec Dilthey que le vivant (das Leben) renvoie à une forme de vie inconsciente, organique et animale quand le vécu (das Erleben) sert au contraire de nom à l’expérience réfléchie d’un sujet singulier, l’idée d’un récit du vivant apparait comme une contradiction en soi.


Pourtant, des récits vitalistes de Lawrence au récent Journal d’un corps de Pennac illustré par Larcenet, en passant par Calvino (Cosmicomics) ou encore les écrits de Clarice Lispector, le XXe siècle s’est montré à même de produire avec une formidable diversité des histoires du vivant, de la vitalité biologique, physique, contre une tradition psychologique mais aussi historique ou sociologique du récit de vie.


En ce sens, l’analyse des stratégies par lesquelles les arts narratifs déjouent la résistance du vivant à être mis en forme par le récit permet de repenser les modalités à travers lesquelles la vie est « mise en jeu » dans l’écriture (G. Agamben, Profanations, 2005), et d’explorer l’émergence d’un geste « zoégraphique » susceptible de requalifier les « écritures de vie » aujourd’hui encore si souvent assimilées au récit de soi.


Les contributions pourront prendre pour objet toute production narrative des XXe et XXIe siècles (littérature, cinéma, bande-dessinée…) des domaines français ou étrangers. Les pistes de réflexion suivantes sont données à titre indicatif.


1. Axes poétiques : transformation de la poétique narrative par la focalisation sur le vivant.

  • le corps narratif. « Pourquoi ne ferait-on pas le journal de son corps ? » demandait Valéry dans Monsieur Teste. Depuis le dernier roman de Daniel Pennac, c’est chose faite. Traditionnellement considéré comme l’autre de la narration, le corps n’est plus aujourd’hui ce continent muet dont les récits traditionnels, centrés sur la psyché, l’âme ou les sentiments de ses personnages ont longtemps fait l’économie.

  • les poétiques de l’impersonnel. Si la notion de vécu renvoie toujours explicitement à l’histoire personnelle d’un sujet, pouvant être singulier ou collectif, le vivant outrepasse au contraire les configurations particularisées. Selon la formule de Thierry Hoquet résumant la pensée de Schopenhauer, il s’agit de « la vie venant de plus loin que les individus et les transcendant ». L’on pourra donc se demander quelles conséquences cette déclinaison impersonnelle de la vie a sur la construction du personnage de fiction ou sur l’édification de l’identité narrative d’individus réels.

  • la fin de l’exception humaine. Le vivant étant par nature un concept opposé à l’anthropocentrisme, l’examen de récits participant par leur mise en scène de vies non humaines à ce que Jean-Marie Schaeffer a appelé « la fin de l’exception humaine » constitue une piste de recherches privilégiée dans la tentative de définir et cerner une poétique narrative du vivant.

  • rythmes et temporalités du vivant. L’on pourra examiner enfin les modifications induites sur la temporalité de la narration par une focalisation sur le concept de vivant. De l’influence en tant que modèle narratif de la théorie darwinienne à l’élargissement scalaire de narrations prenant pour objet l’histoire non plus seulement d’individus mais de l’espèce ou même de la Vie sur Terre (voir par exemple les innovations proposées par The Tree of Life de Terence Malick) : un vaste champ d’investigations s’offre ici encore aux futurs participants.


2. Axe épistémocritique : transferts et migrations critiques et dynamiques entre les sciences du vivant et les arts.


L’on pourra se demander quels contenus, mais aussi quelles méthodologies ou quelles images issues des sciences du vivant au sens large (biologie, médecine, éthologie, zoologie, écologie) font l’objet de représentation et d’intégration dans les formes narratives des XXe et XXIe siècles.


3. Axe théorique : accointances et résistances de la narrativité et du vivant.


Il sera enfin possible de revenir sur les problèmes théoriques supposés par l’idée d’une narrativité du vivant dont nous avons donné plus haut quelques exemples ; mais aussi à l’inverse sur la narrativité propre au discours biologique (notamment par opposition à la langue de la physique ou des mathématiques).


Les propositions de communication, rédigées en français et d’une longueur de 250 à 300 mots, sont à envoyées conjointement à marie.cazaban.mazerolles@univ-poitiers.fr et maria.paula.klein@univ-poitiers.fr avant le 20 février. Le résumé sera assorti de 3 à 5 mots-clés et d’une courte notice bio-bibliographique.

Notes

[1Voir par exemple en France le réseau InterMSH VIVANLIT ; le programme « Animots » et le séminaire « Littérature et pensée du vivant » organisé par A. Simon, M. Macé et J.M. Schaeffer (Master EHESS/ENS/Paris IV), mais aussi les champs de l’écocritique ou de la biopoetics, d’origine anglo-saxonne mais de plus en plus présents en France.

Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP