PHILOSOPHIE – SOCIOLOGIE : Journée d’études – L’expérience politique du présent contre le catastrophisme et le passéisme (11 mai 2011)

Rhuthmos
Article publié le 5 avril 2011
Pour citer cet article : Rhuthmos , « PHILOSOPHIE – SOCIOLOGIE : Journée d’études – L’expérience politique du présent contre le catastrophisme et le passéisme (11 mai 2011)  », Rhuthmos, 5 avril 2011 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article325

L’expérience politique du présent contre le catastrophisme et le passéisme


Journée d’études organisée par Nicolas Poirier dans le cadre du laboratoire Sophiapol / Université Paris Ouest Nanterre la Défense


Mercredi 11 mai 2011 – 10 h 00 /17 h 00


Université Paris Ouest Nanterre la Défense – Salle 237, Bâtiment T
200 avenue de la république - 92001 Nanterre cédex
RER A : Nanterre université - http://sophiapol.hypotheses.org


Cette journée d’études entend revenir
sur le problème des rapports que
les sociétés entretiennent avec le temps,
plus particulièrement sur les difficultés que
connaissent actuellement les sociétés occidentales
à assumer leur présent, pour se
réfugier dans la fiction d’une origine vierge
de toute corruption ou se projeter dans
l’horizon d’un avenir apocalyptique. On doit
en effet chercher à saisir ce qui est en jeu
dans l’émergence conjointe d’une perspective
catastrophiste, liée notamment à
la place centrale occupée par la problématique
écologique depuis quelques années,
et d’un discours passéiste, où une certaine
tradition largement mythifiée est dès lors
conçue comme le référentiel critique qui
permettrait de pointer les maux engendrés
par la modernité tardive.


Si l’on fait l’hypothèse que la démocratie
se distingue de toutes les autres
formes de régime par la primauté qu’elle
accorde au présent, une société démocratique
ne pouvant se projeter dans le futur
et se confronter à son passé qu’à partir de
la réflexivité qui la met aux prises avec son
présent, que penser dès lors d’un projet
politique qui tend à diluer toute responsabilité
envers le présent dans l’unique souci
de protéger les « générations futures » des
maux que notre trahison des idéaux traditionnels
nous aurait conduit à endurer ?
Il n’est d’ailleurs nullement évident que le
temps long de la nature, comme celui de
l’histoire, soit comme tels symbolisables en
des termes expressément politiques, passé
et futur ne constituant pas des entités données
qui devraient imposer ses lois au présent,
mais résultant d’une élaboration politique
conflictuelle dans laquelle le rapport au
présent est primordial.


C’est de la centralité du présent
comme constitutive de l’action politique
démocratique que nous devons partir pour
cerner les rapports féconds qu’il faut effectivement
nouer avec ces dimensions
du temps que sont passé et futur, et saisir
de la sorte les apories d’une conscience
du temps qui ne prendrait pas en compte
le caractère central du présent pour la détermination
d’un projet politique ; en ce qui
concerne la relation au futur d’une part : la
perspective d’une mobilisation des énergies
politiques afin d’éviter la catastrophe future
peut-elle s’articuler au projet démocratique
de détermination d’un bien commun, qui
doit certes dépasser l’horizon du présent
et de la quotidienneté, mais qui n’est sans
doute pas aisément référable à un futur que
l’on prétend d’un côté indéterminé tout en
lui donnant de l’autre le visage d’une catastrophe
inéluctable ? L’idée « catastrophiste
 » d’une expansion technique sans
limite conduisant fatalement l’humanité sur
la voie de son autodestruction ne reproduit-
elle pas la mythologie marxienne d’un
effondrement inéluctable du capitalisme en
vertu de lois nécessaires ? Le gouvernement
d’une société en référence à un horizon
qui est celui de la catastrophe ne débouche-t-il pas finalement sur une politique
qui tend à mobiliser les affects de la peur au
détriment de la réflexivité propre à l’action
politique soucieuse de prendre en charge
le présent ? En ce qui concerne la relation
au passé d’autre part : la nécessaire prise
en compte du passé, comme dimension
inhérente au mouvement de distanciation
critique impliqué par l’agir démocratique,
consiste-t-elle en la réactivation des potentiels
émancipateurs contenus dans les
mouvements de lutte passés, et qui formeraient
une paradoxale « tradition révolutionnaire
 » à laquelle il faudrait demeurer
fidèle ? Si oui, comment penser la reprise
dans le présent de cette tradition, en évitant
que le légitime souci de relier le présent
au passé ne reproduise la primauté
de la théorie (vraie de toute éternité) sur
la praxis (marquée par la contingence),
et en refusant de voir dans cette tradition
les traces d’une altérité miraculeusement
préservée de l’aliénation qui caractérise la
modernité ?


Quelles sont les modalités par lesquelles
la nature et l’histoire peuvent faire
sens pour l’homme ? Comment rendre
pensable l’articulation du temps long du
cosmos et du temps humain de la tradition
avec la temporalité propre à l’historicité
qui est celle de la politique, en évitant
de sacrifier le présent en tant que dimension
constitutive de l’agir démocratique ?
D’ailleurs, si compte-tenu du caractère
foncièrement complexe des problèmes
écologiques, il semble impossible de faire
autrement que confier ces problèmes à
des experts, comment penser dès lors la
possibilité d’une écologie politique réellement
démocratique ? Le recours à l’idée
de complexité et au principe de l’expertise
dans le domaine de l’écologie ne reproduit-
il pas les impasses qui sont celles
de l’économicisme interdisant de facto
tout débat véritablement public sur les
orientations des politiques économiques
 ? De même, étant donné le caractère indiscutable
de ce qui se donne pour tradition,
surtout lorsque celle-ci est comprise
comme la mémoire des différentes luttes
menées contre la domination, comment
concevoir la possibilité d’un rapport fécond
au passé, qui n’écrase pas l’autonomie
du présent sous prétexte de faire revivre
des origines oubliées ? La référence
à l’idée de modernité, comprise comme
un rouleau-compresseur détruisant toute
trace de singularité et de différence dans
un monde homogénéisé, ne conduit-elle
pas à l’écriture d’un nouveau « grand récit
 », tout aussi mythique que les histoires
auxquelles croyaient les hommes de la
tradition ?


Le but de cette journée d’études
est donc de chercher à saisir de façon critique
ce qu’implique en termes politiques
la primauté qui est désormais accordée
au passé et au futur au détriment de la réflexivité politique, en se demandant si cette
reconnaissance peut s’accorder avec
les présupposés du projet d’émancipation
démocratique dans lequel le présent joue
un rôle primordial.

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