Bonjour Dominique,
Tous nos remerciements pour votre présentation « Des rythmes de la vie publique aux propagations ». Enseignant l’évolution, les espèces étant de plus en plus considérées comme des flux de gènes, votre approche des propagations de mèmes m’a d’emblée parue familière. Je reprends ma réflexion et mes questions formulées un peu à la hâte.
Dans mon approche des rythmes, voici les quatre registres ou aspects qui guident les analyses :
- la composition en phénomènes qui sont des états, des niveaux ou des événements ; dans votre recherche il s’agit principalement des actes de tweet (ou posts) donc des événements, de leur contenu éventuel, leur taille, les mots qu’ils contiennent, etc.
- la vitesse (ou fréquence) ; dans votre recherche il s’agit par exemple du nombre moyen de posts par jour dont avez évoqué l’accélération générale, ou de façon élémentaire la latence de réponse ; sans doute pourriez-vous proposer d’autres métriques, vous avez évoqué des ordres de grandeur selon les générations de l’histoire moderne de quantification du social. C’est l’aspect que vous avez le plus documenté explicitement.
- la régularité ; c’était le sens de ma question... je n’en ai pas vu dans vos figures, c’est pourquoi j’ai parlé de chaos ou de désordre ; mais vous avez évoqué l’archaïque régularité circadienne toujours présente ; peut-être y peut-on détecter d’autres périodicités, à la semaine, au mois ou à l’année ; mais surtout y en aurait-il d’autres qui soient spécifiques à Internet (ou à la drosophile Twitter) ; et dans quelle mesure les premières sont elles gommées, exacerbées, détachées par rapport à celle du nycthémère et de la photopériode (voire de la lune... je n’y crois pas) ? Quelles constances ou semi-constances dans les durées qui séparent certains temps forts et certains temps faibles qui soient propres (ou non) aux réseaux sociaux ?
- l’ordonnancement ou séquentialité ; c’était le sens de la deuxième partie de votre réponse, quand vous avez évoqué les patterns, les profils qui ressortent des reshares de viralité faible, moyenne ou forte, ou ceux chez Leskovec et Kleinberg. Ces patterns sont des objets d’étude potentiels, j’ai compris que certains sont bien documentés. Pour ma part, j’ai cru remarquer (Leskovec et Kleinberg) que ces derniers avaient l’apparence de chocs, avec une montée brusque et une réverbération, plus qu’une résonance avec des vaguelettes qui monteraient en intensité. En analyse du signal, la fréquence fondamentale sous-jacente des réverbérations indique en général la nature du milieu dans lequel le choc a frappé (principe de réception active).
Pour reprendre votre segmentation des points de vue (votre dernier tableau), un paramètre de composition, vitesse, régularité, séquentialité, peut apparaître au niveau de la structure collective, de la préférence individuelle ou de la propagation sans qu’on en perçoive un effet au niveau supérieur ou inférieur. Je me suis demandé si votre modèle pratique peut offrir des clefs heuristiques qui permettraient de traverser les étages de complexité : expliquer soit le comportement émergent d’une structure construit sur les niveaux inférieurs (approche analytique), soit le comportement d’une propagation de mèmes par celui des niveaux supérieurs qu’ils composent ? Mais il semble que votre conclusion en a fait le deuil : chaque niveau est pertinent mais positionnons-nous sur une seule à la fois !