Sur les « Rythmes des propagations d’information » (Dominique Boullier, sociologue – Séminaire Rythmologies, 14 février 2023)

Gilles Malatray
Article publié le 24 février 2023
Pour citer cet article : Gilles Malatray , « Sur les « Rythmes des propagations d’information » (Dominique Boullier, sociologue – Séminaire Rythmologies, 14 février 2023)  », Rhuthmos, 24 février 2023 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article2971

Bonjour,


Suite à votre présentation sur les « Rythmes des propagations d’information », dont la richesse du contenu donne du grain à moudre à une approche rythmologique dans le flux/flot des médias contemporains.


Force est de constater que nous sommes littéralement submergés, en temps réel, si je puis employer cette expression dans l’air du temps, d’une énorme quantité d’informations, commentaires, propositions… dans un emballement exponentiel qui donne le tournis.


Pour échapper à cette spirale vertigineuse, il nous faut ralentir, résister, ne pas nous laisser engloutir face à cette prolifération médiatique, cette viralité de flux.


La tentation de répondre du tac au tac, à chaud à des sollicitations ou réflexions qui nous interpellent nous soumet à un rythme forcené, parfois à la limite du soutenable. Une addiction chronophage à marche forcée, au final stressante, et en tout cas très contraignante.


Cet état de fébrilité médiatique, par lequel je suis moi-même directement concerné, n’est pas sans me placer dans une situation pour le moins paradoxale.


Travaillant sur des approches de paysages sonores convoquant différentes entrées (esthétique, écologie, sociabilités), l’écoute et la marche jumelées (promenades sonores, soundwalking) sont pour moi des modes de lectures et d’écritures audio-paysagères incontournables.


Les marches notamment, s’effectuent dans une lenteur assumée, recherchant une immersion sensible qui favorise une forme d’écoute profonde [1].


Les promeneurs écoutants apprécient cette allure apaisée, qu’ils ressentent comme un ralentissement bienfaisant, une coupure zen, venant rompre avec la frénésie du train de vite quotidien, surtout en milieu urbain.


La démarche de l’écoutant vise donc à prendre le temps de tendre l’oreille, dans des postures immersives, via notamment une décélération au rythme de nos pas.


Paradoxalement, cette recherche de postures apaisées se frotte à la contrainte des nombreuses sollicitations par médias interposés. Les réseaux sociaux, caisses d’amplification des activités, canaux de communication tant professionnels que grand public, lieux d’échanges parfois intempestifs et à fleur de peau, viennent mettre à mal notre désir de prendre à la fois le temps et le recul nécessaire pour ne pas agir par des réactions épidermiques parfois contre-productives.


La veille informatique, les réseaux en perpétuelle excroissance, qui nous « branchent » à de plus en plus de personnes, de structures, de groupes de travail, tout à la fois facilitent nos interactions professionnelles et personnelles, et en même temps nous poussent à une course effrénée.


Le dilemme est donc de trouver un équilibre entre des actions apaisées in situ (marches écoutantes lentes) et des frénésies médiatiques.


Je me pose donc la question de mettre en place des outils de décélération, des formes de protocoles non emballants, en tout cas en ce qui concerne les travaux médiatiques, pour tenter de les mettre en adéquation avec les pratiques de terrains.


Certes, plus de questions que de réponses, mais l’argumentation très étayée de votre présentation motive cette réflexion et, qui plus est, la recherche de nouveaux rythmes à installer pour ne pas (trop) subir des rythmicités asservissantes.

Notes

[1Deep Listening de Pauline Oliveiros.

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