Ce compte rendu a déjà paru sur le site de la revue Études.
A. Sueur, Vie de Joachim Burmeister, Paris, Rhuthmos, 2019, 103 p.
Joachim Burmeister (1564-1629) est connu, dans toutes les histoires de la musique, comme celui qui, le premier, a proposé, autour de 1600, une analyse rhétorique des œuvres musicales : celles-ci ne sont plus désormais comprises comme de belles formes reproduisant la splendeur et l’unité des structures du monde, selon la grande approche médiévale, mais comme des discours destinés à émouvoir, au même titre que les grands discours latins de Cicéron ou de Quintilien. Comment rendre proches de nous la vie et l’œuvre de ce professeur de latin à Rostock, dans la lointaine Poméranie, et qui fut également cantor et compositeur ? Comment faire quelque chose de vivant de ces répertoires de figures de style appliquées au son ? Agathe Sueur signe ici un petit chef-d’œuvre. Nourrie des tableaux, des cartes et des harengs salés de l’époque, elle a su trouver le ton juste, entre ironie et empathie. Elle sait évoquer les cabinets, les scènes de genre, les allers et retours entre des lieux qui deviennent des repères affectifs, les roses du jardin botanique, les portes de la ville, la tâche de Sisyphe qu’est l’enseignement… Elle sait faire chanter les orgues dont le lecteur ne sait plus s’il les entend de façon contemporaine ou si, au contraire, il faut les reléguer dans un passé et une géographie désormais inatteignables. C’est un modèle d’écriture ; un pied de nez à toutes les collections faussement didactiques prétendant permettre au « grand public » d’approcher les œuvres musicales par la biographie. Ce petit bijou littéraire réussira-t-il à trouver son public ?