L’écriture d’Édouard Glissant s’enracine dans une stratégie de contestation d’un langage dominant que Celia Britton a détaillée, notamment à propos de ses essais et de ses romans (Britton, 1999). La musique de Miles Davis peut être, elle aussi, interprétée en termes de contre-discours. La littérature antillaise, comme le jazz aux États-Unis appartiennent en effet à des aires culturelles qui s’inscrivent dans des histoires analogues, même si elles ne sont pas similaires. Une comparaison entre l’écriture d’Édouard Glissant et les improvisations du trompettiste nous incite donc à réfléchir sur l’articulation entre des stratégies de résistance et d’autre part, l’émergence, chez les deux artistes, de préoccupations formelles autonomes.
Il arrive qu’Édouard Glissant évoque la musique au fil des volumes de sa poétique. Il cite Bob Marley dans la Poétique de la Relation (Glissant, 1990, p. 107), évoque le jazz à plusieurs reprises, notamment comme exemple pour la « pensée de la trace ». Il faut cependant convenir que dans sa poétique, la musique passe au second plan derrière la littérature, et aussi les arts plastiques. Le volume réduit des écrits qu’Édouard Glissant a consacrés à la musique ne reflète peut-être pas cependant, la place réelle de cet art au cœur de sa poétique. L’auteur du Sel noir affirme en effet : « Il y a une mesure secrète des formes de la musique et de la philosophie, les deux arts les plus proches à la fois dans leur précision et leur évanescence. » (Glissant, 2006, p. 116) L’une des proses les plus intenses de La Cohée du Lamentin, intitulée « Au plus obscur des musiques » (Glissant, 2005, p. 243) traite du silence et des musiques qui entrent en contact avec l’immensité du monde. Au cours d’une conférence de presse qu’il donnait le 21 juillet 2007 à Itxassou, un village du pays basque, pour présenter sa collaboration avec le multi-instrumentiste Bernard Lubat, le poète a déclaré « Mon style d’écriture est le style de jazz de Miles Davis. »
Dans le langage courant le mot « style », se référant à un écrivain définit plutôt un caractère individuel. « Le style est l’homme même » déclare Buffon dans son Discours sur le style. « On peut empiriquement constater que chaque écrivain a son style propre » ajoute Étienne Souriau (Souriau, 1990, p. 1315). Roland Barthes évoque « des images, un débit, un lexique » qui « naissent du corps et du passé d’un écrivain et qui deviennent peu à peu les automatismes même de son art » (Barthes, 1953, p. 12). Le style d’Édouard Glissant n’est pas celui de Léon Gontran Damas. Le style est une part importante de l’identité de ces écrivains, qui les distingue l’un de l’autre, il est leur « langage autarcique ». Employée pour la musique, la notion de style dépasse souvent l’individualité. Selon les historiens de la musique, les œuvres de Mozart et de Haydn relèvent toutes les deux, du « style classique » qui a donné son titre au célèbre ouvrage de Charles Rosen. Au début des années 1950, les chorus de Miles Davis et de Dizzy Gillespie ressortissaient du même style bebop, même s’ils présentaient de nombreuses différences formelles. (On peut néanmoins parler d’une œuvre musicale « dans le style de » Bach ou de Mozart, ce qui implique une référence individuelle du mot « style »).
Prise dans son sens littéral, la phrase d’Édouard Glissant pose donc comme identiques son propre style d’écriture et le style de jazz de Miles Davis. Édouard Glissant procède ainsi à une extension de la notion de style, qui englobe alors deux artistes et deux arts distincts. De tels mouvements, qui agissent par déplacement et par focalisation élargie, guident souvent l’herméneutique à laquelle nous convie la poétique glissantienne. Ainsi, le concept de « créolisation » est la déterritorialisation d’une réalité linguistique et culturelle, proprement caribéenne perçue par le poète. L’opposition entre « langue » et « langage » posée par Édouard Glissant, peut nous permettre également de mieux saisir la réflexion du poète sur le style. Le poète observe qu’il existe dans les Caraïbes, une communauté d’expression qui dépasse les différences linguistiques de l’anglais, du français, des créoles et de l’espagnol. Le « langage » dans la poétique Glissantienne est donc, selon la formule de Celia Britton, « un pont entre les langues » (Britton, 2008, p. 238). Le « langage » est même pour l’écrivain « un voyage » (Glissant, 1993, p. 307). Le style selon Édouard Glissant peut aussi être conçu comme pont, non pas entre les langues, mais entre les arts.
Le poète observe qu’une « communauté de structures discursives », selon l’expression de Celia Britton, s’étend au-delà du langage et de la Caraïbe, à l’ensemble des cultures qui ont subi les conséquences de la traite négrière. C’est ce que Glissant nomme la « pensée de la trace », dans laquelle il inclut explicitement la musique :
Dans les pays composites, et par exemple pour les cultures créoles des Amériques, l’avancée s’est faite par traces. L’essentiel de la population y est arrivée nue, c’est-à-dire après avoir été dépouillée des artefacts de sa culture originelle, de ses langues, de ses dieux, de ses objets usuels, ses coutumes ses outils et il lui a fallu recomposer, par traces, « dans les savanes désolées de la mémoire », ce qui lui restait des anciennes cultures ataviques [...]. Le jazz du sud des Etats Unis comme les musiques de la Caraïbe et du Brésil ont d’abord constitué une remontée de la trace africaine [...] et les langues créoles de la Caraïbe ont aussi procédé par traces pour constituer leur corpus lexical et syntaxique. (Glissant, 2006, p. 188)
Langage et trace regroupent des phénomènes culturels différents au sein d’une même communauté. Ils réunissent également des communautés éloignées par l’espace ou les différences linguistiques, mais que l’histoire de la traite négrière rapproche. Édouard Glissant retrouve ainsi dans d’autres formes d’art et dans d’autres lieux, les structures discursives du conte antillais. Il évoque une esthétique issue du silence et de la parole différée au sein de la plantation.
La nuit des cases a enfanté cet autre énorme silence d’où la musique incontournable, d’abord chuchotée, enfin éclate en ce long cri. Cette musique est spiritualité retenue, où le corps s’exprime soudain. […] ces musiques nées du silence, negro spirituals et blues, continuées dans les bourgs et les villes grandissantes, jazz, biguines et calypsos, éclatées dans les barios et favelas, salsas et reggaes, rassemblent en une parole diversifiée cela qui était crûment direct, douloureusement ravalé, patiemment différé. (Glissant, 1990, p.88)
Ces structures discursives globales, de la « trace » et du « langage », me semblent proches de ce qu’exprime Glissant lorsqu’il parle de style. Elles se rapprochent également de la notion d’idiome pensée par Alan Locke. L’anthropologue américain remarque qu’un idiome commun issu de traces de cultures africaines réunit les différentes musiques des Amériques, mais aussi des manières de s’habiller ou de vivre, et même un courant artistique européen comme le cubisme (Locke, 2009, p.29). Anthony Mangeon décrit l’idiome lockien comme le « produit d’attitudes émotionnelles privilégiées, de préférences dispositionnelles constituées dans l’expérience, lesquelles sont à leur tour constitutives d’un rapport au monde, d’une personnalité, d’un tempérament, tempérament dont l’art et plus particulièrement la poésie et la musique nègres sont les vecteurs privilégiés » (Mangeon, 2004, p. 466). La Trace, le langage, le style, tels que Glissant les évoque, semblent coïncider avec l’idiome Lockien. L’idiome privilégie cependant un point de vue esthétique, qui inclut la réception, alors que les concepts développés par Édouard Glissant se situent davantage sur le versant poïétique de la création.
La formule d’Édouard Glissant prise au sens littéral définirait donc une communauté esthétique regroupant plusieurs disciplines artistiques, et que l’on pourrait imaginer comme une synthèse des concepts de « langage » et de « trace », proches de la notion d’idiome développée par Alan Locke. Le style, dans ce cas, possède avant tout, une valeur collective.
Au cours du cheminement qu’il mène pour élaborer sa propre définition de la notion de style, Nelson Goodman propose provisoirement de décrire le style comme une signature. (Goodman, 1992, p. 59). J’ajouterais une signature formelle. Dans ce cas, la phrase d’Édouard Glissant ne peut être entendue que comme une métaphore : l’identité d’un écrivain ne peut être celle d’un musicien, ni d’ailleurs d’un autre écrivain, sauf dans le cas du pastiche ou du plagiat. La métaphore formulée établit un rapport d’analogie entre deux créations, l’une musicale et l’autre littéraire. Le style étant déjà selon Roland Barthes une métaphore qui établit une équation entre « l’intention littéraire et la structure charnelle de l’auteur » (Barthes, 1953, p. 13), la nouvelle métaphore formulée par Édouard Glissant s’inscrit dans ce procès métaphorique en chaîne, qui caractérise l’expression artistique et la relation entre les différentes formes d’expression.
Ainsi que le remarque Jean-Louis Backès, l’analogie entre la musique et la littérature ne relève pas de la science exacte (Backès, 1994, chap. IV). Comme tout procédé métaphorique, elle en appelle à notre bon vouloir et à notre subjectivité. Le rythme de la musique n’est pas le même que celui de la poésie. Les termes de musicalité ou de mélodie, appliqués à la poésie, ne sont que des métaphores dont nous ne pouvons vérifier la validité. L’analogie formelle entre la musique et la poésie relève donc de l’interprétation. Celle-ci est rendue encore plus complexe par l’unité que postulent les expressions « style d’écriture » et « style de jazz », appliquées à des corpus aussi foisonnants et protéiformes que l’œuvre d’Édouard Glissant et la musique de Miles Davis.
Rappelons tout d’abord que l’œuvre d’Édouard Glissant est composée de trois parts d’égale importance : romans, essais, poésie. Au sein de chacun de ces genres, les formes d’écritures varient. Ainsi, les essais comportent-ils des proses poétiques très imagées, des aphorismes, des développements conceptuels. L’œuvre poétique regroupe des poèmes épiques et donc à vocation narrative, comme Le Sel noir et Les Indes, des poèmes en prose presque lyriques, des fragments à la syntaxe bousculée, des pièces plus rythmées. Les romans eux aussi sont écartelés entre des proses imagées à la limite du poème, des proses discursives proches de l’essai, des récits, des monologues intérieurs. Le poète accepte la division traditionnelle des catégories génériques, mais il ne cesse de la bousculer, de la déranger ou de la « créoliser ». L’écriture même d’Édouard Glissant ne peut se résumer à une seule couleur ou à une seule cadence. Par exemple, la longueur des phrases varie considérablement dans les essais. Dans « L’espace d’une journée » (Glissant, 2006, p. 11-17), les phrases ne cessent de s’allonger jusqu’à que le point même disparaisse. L’écriture de l’écrivain caribéen s’apparente alors à un flux qui n’est pas sans ressemblance avec la prose des romans de James Joyce.
Alors ici vous consultez toutes ces roches de rivières polies et lustrées qui sont accourues rencontrer les gros morceaux déchiquetés de rocs et de laves froidies, et autour du Rocher, lui-même en paquets mais tout en un et ses creusements comme des yeux de nuit ou des bouches d’ombre et ses saillies comme des nez démantelés taris, et du rivage jusqu’ici, vous considérez comment la parole d’abord confuse s’est mêlée de sable gris, les mots sont raides et décarrés dans la page, et s’est éclairée d’un charroi de grosses ténèbres propices et s’est éclaircie d’un infini de ces sens qui tous tremblent là, […] (Glissant, 2006, p. 18)
À l’inverse, La Cohée du Lamentin et le Traité du Tout-Monde font usage d’une écriture par fragments. Dans les excipits (Glissant, 2005) ces fragments prennent la forme de maximes, chaque phrase formant une entité indépendante.
LE TOUT-MONDE, L’OBJET LE PLUS HAUT DE POETIQUE, EST, AUSSI, L’IMPREVISIBLE. EN QUOI IL EST CHAOS MONDE.
J’ECRIS EN PRESENCE DE TOUTES LES LANGUES DU MONDE. (Glissant, 2005, p. 37)
L’expression de « vertige des styles » qu’Édouard Glissant utilise pour décrire les esthétiques baroques (Glissant, 1990, p. 92) pourrait donc s’appliquer à sa propre production. La formule pourrait aussi définir le parcours musical de Miles Davis. Le trompettiste a traversé presque tous les courants du jazz de la deuxième moitié du vingtième siècle. Ayant commencé aux côtés de Charlie Parker, au cœur de l’effervescence du bebop, il a été à l’initiative de l’essor du jazz modal, puis de ce qu’on a appelé ensuite le post bop ou la « liberté contrôlée ». Il a été le créateur du jazz-rock et a fini son parcours proche de la pop music. À chaque changement esthétique, le musicien varie les paramètres de la complexité et leurs degrés, simplifiant la trame harmonique pour libérer le langage mélodique dans l’album Kind of blue (Davis, 1959), intégrant la polyrythmie et la polytonalité avec son second quintet, puis simplifiant les polyrythmies en complexifiant la texture contrapuntique et les assemblages de timbres dans l’album Bitches Brew (Davis, 1970). Le musicien a intégré et retravaillé une multitude d’influences, depuis Stravinsky jusqu’à James Brown en passant par Prince et Stockhausen.
Miles Davis est lui aussi attaché à la notion de style, mais il donne à ce mot un sens large et pour le moins énigmatique :
But you’ve got to have style in whatever you do : writing, music, fashion, boxing, anything. Some styles are slick and creative and imaginative and innovative and others aren’t. For me, music and life are all about style. (Davis et Troupe, 1989, p. 181)
Pourtant, par delà ces entrelacs de formes et de langages, l’écriture d’Édouard Glissant, comme les musiques de Miles Davis, possèdent chacune une unité dont peu d’autres créateurs peuvent s’enorgueillir. Entre ces deux unités-diversités, le poète nous invite à discerner une intention poétique commune.
Lorsque je lui ai demandé comment son style d’écriture et le style de jazz du trompettiste pouvaient être rapprochés, Édouard Glissant m’a tout de suite répondu : « par le rythme ». Le rythme, notion très difficile à définir, comporte selon Pierre Sauvanet, à la fois une dimension cosmique, biologique et esthétique (Sauvanet, 2000, chap. I). Je me tiendrai provisoirement à la définition très générale que donne André Lalande du rythme comme « caractère périodique d’un mouvement ou d’un processus ». Le philosophe précise également qu’on entend surtout par rythme « le caractère d’un mouvement périodique en tant qu’il compose une succession de maxima et de minima » (Lalande, 1926, p. 935).
Les rythmes esthétiques entretiennent avec les rythmes biologiques et cosmiques des liens symboliques complexes. Édouard Glissant déclare mesurer sa poésie par la respiration :
En poésie le verset de Claudel ou de Saint John Perse ou celui des livres de la bible correspond à la mesure du souffle humain mieux que l’alexandrin. Le verset est ce que l’on peut dire le temps d’un souffle. J’ai essayé inconsciemment de faire la même chose dans l’écriture, et je ne m’en suis rendu compte qu’après. C’est à dire amener la phrase au bord de la rupture et de l’explosion pour que le lecteur lui-même se sente à ce point de rupture ! C’est une technique de l’oralité que je fais entrer dans l’écriture. (Glissant, 2001, p. 37)
Miles Davis, lui aussi, organise ses improvisations autour de la respiration. Ses phrases se développent au rythme des silences et des vides qui les ponctuent inexorablement. En ce sens son style s’oppose par exemple, à celui de Sonny Rollins ou de Dizzy Gillespie, qui ont tous deux eu recours à la technique de la respiration circulaire afin de ne plus être soumis à la contrainte du souffle. Chez Miles Davis, l’écoute de sa propre finitude s’accentuera au fur et à mesure que son esthétique s’affirmera, mais aussi que déclineront ses forces. On peut entendre cette manière d’architecturer la musique autour du cycle des respirations dans le célèbre chorus de All Blues sur l’album All kind of Blue (Davis, 1959). Les temps de silence de la respiration autour desquels le musicien bâtit son improvisation reviennent de manière périodique mais imprévisible. Cette périodicité irrégulière est confrontée à la régularité du déroulement harmonique de la grille d’accord, ainsi qu’à l’ostinato de la batterie et de la basse. Les temps de silence semblent coïncider avec des moments de réflexion à la fois pour le musicien qui prévoit la manière par laquelle il va poursuivre son discours et pour l’auditeur qui peut prendre le temps de comprendre la forme qu’il vient de percevoir. À d’autres moments la respiration du trompettiste est un espace qui permet au pianiste d’établir un dialogue et de quitter pendant un bref moment son rôle d’accompagnateur.
Dans la poésie d’Édouard Glissant, le rythme bâti autour de la respiration est explicite, dans ces versets tirés de La Terre inquiète :
Sable, saveur de solitude ! quand on y passe pour toujours
Ô nuit ! plus que le chemin frappé de crépuscules, seule.
À l’infini du sable sa déroute, au val de la nuit sa déroute, et du sel encore,
Ne sont plus que calices, cernant l’étrave de ces mers, où la délice m’est infinie
Et que dire de l’Océan, sinon qu’il attend. (Glissant, 1994, p. 103)
Édouard Glissant se sert de la ponctuation, des points d’exclamation et des virgules comme d’une réminiscence de l’oralité. À la fin des cellules interrompues par ces signes, la récurrence des e muets (dans les mots « solitude », « crépuscules », « seule », « déroute », « encore ») provoque un effet de résonance qui accroît la musicalité, et donne à ces vers le caractère d’une cantilation. L’organisation par le souffle est audible non seulement dans la poésie, mais aussi dans la prose d’Édouard Glissant, ainsi que nous pouvons l’entendre dans cet extrait de la Philosophie de la Relation :
J’ai touché cet arbre du voyageur, que j’avais transplanté en l’autre saison du carême. Sa ramure balayée par le cyclone Dean. Je lui parle doucement. Dans l’éclair d’une semaine, il a poussé de nouvelles feuilles vert pâle. Je ne lui commande pas, il m’emprunte et me donne. C’est en face du rocher du Diamant. (Glissant, 2009, p. 71)
Le souffle inclus dans l’écriture entraîne celle-ci vers l’oralité. Allié au pouvoir de la métaphore, il donne l’impression d’une puissance presque prophétique de la parole proférée, qui permettrait d’atteindre un au-delà du langage et de l’expérience sensible. Dans le même temps, la contrainte du souffle ramène le discours poétique à sa corporalité originelle et affirme son immanence.
Partant de ce dialogue entre le vide et la plénitude, Miles Davis organise des phrases complexes sur le plan mélodique, mais dont le développement est clairement ordonné entre protase et apodose, ou clairement orienté vers des terminaisons masculines ou féminines. Cet art du phrasé musical, presque calligraphique, tend à faire des improvisations de Miles Davis une écriture. On peut ainsi entendre dans le premier chorus de So what (Davis, 1959), une architecture qui privilégie la symétrie sur la surprise. Le trompettiste commence son chorus en développant un motif centré sur un intervalle de quinte, et mettant en valeur la neuvième de l’accord. La transposition ascendante du mode donne lieu à un jeu plus ornemental et plus horizontal, mais au retour de l’accord initial, l’improvisateur revient à la même économie de moyens du début, s’attardant parfois sur de longues notes tenues. La clarté et l’équilibre presque classique du phrasé de Miles Davis sont parfois troublés au cours de l’ensemble du chorus par des chromatismes et des anticipations venant du blues. Malgré ces irrégularités qui se glissent, presque imperceptiblement, la sobriété de Miles Davis contraste avec la véhémence de John Coltrane et de ses enluminures baroques. Elle diffère aussi de la truculence bluesy de Cannonball Adderley qui leur succède à tous les deux.
Le rythme esthétique se manifeste le plus souvent par la répétition durable d’une pulsation ou d’un même ensemble de pulsations. Cette régularité caractérise la musique de danse ainsi que la poésie métrique. À la fin de sa carrière, Miles Davis affectionnait, au moins pour le disque, les boîtes à rythmes et les programmations. Il déclarait préférer les batteurs de rock, plus rigoureux selon lui, que les batteurs de jazz. Au sujet du tempo et de la mise en place, voici ce qu’il déclarait : « Music is about timing and getting everything in order. It can sound good, is it Chinese, as long as the right things are in place. » (Davis et Troupe, 1989, p. 396). Ce goût pour les rythmiques à la régularité irréprochable apparaît dans l’utilisation de boîtes à rythme, c’est-à-dire de percussions synthétisées et programmées grâce à l’informatique. Le titre Splatch, sur l’album Tutu (Davis 1986), incarne cette obsession d’une précision presque mécanique en même temps qu’il reflète une tendance générale du funk rock dans les années quatre-vingt.
La comédienne Sophie Bourel qui a effectué de nombreuses lectures de la poésie d’Édouard Glissant, évoque le rap à propos des Grand chaos. De son côté, le stylisticien George Molinié entend lui aussi dans la poésie d’Édouard Glissant une « forte structuration rythmique » (Molinié, 1999, p. 142) que l’on peut constater dans ces vers :
Ras du sel de mai, cayali
Qui scellait étoile en midi
Sa voyance est de plume folle
Il s’est noyé dans un mécrit
D’ombre boit durci, sucrier
Nom de cris plus que doux mis
À tout chemin inachevés
Nous avons garé son dédit. (Glissant, 1994, p. 403)
Dans cet extrait des Grands chaos, le rythme de l’octosyllabe est renforcé par les rimes auxquelles s’ajoute une versification sans rejet, avec un parallélisme syntaxique et lexical entre les deux strophes. Celles-ci commencent toutes les deux par le nom d’un oiseau mis en apposition et finissent par une proposition au passé composé.
Une telle écriture percussive, aussi puissante soit-elle, ne reflète cependant pas toute la complexité rythmique de l’écriture glissantienne. Pas plus que les programmations que l’on entend sur l’album Tutu ou les propos tranchés du trompettiste sur le tempo, ne résument sa pensée du rythme. Le poète et le musicien aiment également à architecturer des trames complexes où se mêlent l’ordre et le désordre, où s’agencent, selon l’expression d’Édouard Glissant, « la mesure et la démesure » (Glissant, 1956, p. 25). Celles-ci se côtoient, par exemple dans Un Champ d’Iles. Ce recueil est composé d’une part, de sept poèmes en prose. On peut y entendre de longues phrases dont les propositions sont parfois égrenées sans liaison apparente :
Tourmentes, feu marin, étendues sans pitié : ce sont les hautes houilles, parfois le vent qui tout doux avive tout doux surprend le cœur et l’empanache ; ce sont meutes du vent qui dévolent des mains, vers la coulpe et l’accomplissement du gravier. (Glissant, 1994, p. 55)
À d’autres moments le poète multiplie les conjonctions :
Son silence est de vous appeler à ce feuillage de grandeur où naissent la mer, et les continents après elle, et toutes saveurs réparties sous le couteau de la lumière, les nappes spectrales du silence, buses et blancheurs du cri, et toute chose épanouie vers son île quotidienne, ouverte hélante, et secrètement close, et muette autant qu’une splendeur. (Glissant, 1994, p. 59).
L’ampleur et la complexité de ces phrases, accompagnées de nombreuses marques de l’énonciation (exclamation, interrogation, apostrophe) produisent l’effet musical d’un récitatif, c’est-à-dire celui d’une parole prolongée et conduite par un phrasé mélodique sans la contrainte d’une pulsation. Ces fragments de prose s’opposent à une succession hypnotique de quarante-sept quatrains en octosyllabes. Tout au long de cette succession, le poète fait usage de nombreux procédés itératifs alors que se répète également le motif de la percussion :
C’est là que dorment les tam-tams
Dormant ils rêvent de flambeaux
Leur rêve bruit en marée
Dans le sous-sol des mots mesurés (Glissant, 1994, p. 65)
La mesure et la démesure se succèdent mais se combinent également. Par exemple dans Promenoir de la mort seule, Glissant fait aussi usage de l’octosyllabe, mais cette régularité est bousculée par un discours parfois à la limite de la dislocation :
La baie triste n’a pas bougé
Sur un lac de roses, jonchée
De morts pâlis dans le rosier
Baie funèbre elle est demeurée
La rive hésite la mer passeLes barques sont laveuses d’eau
Noir est le sable, la couleur
Est évidente dans ce lieu. (Glissant, 1994, p. 89)
Dans Pour Mycea, des fragments en prose côtoient des vers libres où émergent parfois de courtes successions de décasyllabes ou d’alexandrins. L’éclatement onirique du discours est contrebalancé par la répétition d’images (la nuit, la terre, l’eau, le jour) qui expriment la vibration de l’île aux rythmes du cosmos.
Cette ambivalence du récitatif et de la danse se retrouve également dans la musique de Miles Davis. La jonction du soliste avec le batteur et plus largement avec la section rythmique, a constitué l’un des principaux moteurs des différentes formations que le « sorcerer » a dirigées. Le trompettiste peut s’associer à l’énergie rythmique de ses accompagnateurs grâce à un jeu incisif qui le rapproche de guitaristes comme Wes Montgomery ou George Benson. C’est cette acuité que l’on peut entendre dans le chorus de Budo sur l’album Birth of the cool (Davis, 1949) ou sur le titre Spanish key (Davis, 1970).
Il arrive cependant que Miles Davis confronte à ses sections rythmiques une organisation temporelle indépendante proche d’une parole déliée. Dans ces moments, comme dans le chorus de Masqualero sur l’album Sorcerer (Davis, 1967), il convie l’auditeur à une double perception. À l’écoute du soliste, le temps semble parfois suspendu par la courbe d’une infime inflexion ou par un son parasite dont la durée paraît infinie. Au même moment, la section rythmique donne à entendre le temps comme un mouvement, issu de la puissance de la transe et de la danse.
Bien évidemment, ces deux modes de relation se combinent d’une manière inextricable dans les chorus de Miles Davis. Le musicien entraîne ses partenaires dans une dialogique de la mesure et de la démesure, dont l’intensité culmine, selon moi, avec son deuxième quintette (celui dans lequel jouaient Tony Williams Herbie Hancock, Ron Carter et Wayne Shorter). Ainsi que l’a remarqué Franck Bergerot à propos de l’album Nefertiti (Davis, 1967), les différents acteurs de la section rythmique entrent et sortent, dédoublent, décomposent le tempo de manière imprévisible (Bergerot, 1996, p.98). Les instruments à vent deviennent parfois les accompagnateurs d’une rythmique qui phrase en permanence. Le jeu de batterie de Tony Williams résume cette esthétique rythmique, à la fois ancrée dans la puissance et la corporalité de l’idiome rythmique de la musique noire évoqué par Alan Locke, et développant parallèlement, notamment par son jeu de cymbale, une exploration de timbre qui n’est pas étrangère aux recherches menées par un compositeur comme Edgar Varèse.
La complexité des contextures rythmiques chez Miles Davis comme chez Édouard Glissant, nous amènent à une autre figure qui réunit, les styles de ces deux créateurs : celle de la spirale. La spirale combine à la fois le retour vers un point initial, et donc la répétition avec l’éloignement de ce même point, c’est-à-dire la différence. Dans ses compositions, finalement assez peu nombreuses, ainsi que dans celles de ses partenaires, Miles Davis affectionne les séquences harmoniques courtes et répétitives qui deviendront emblématiques du jazz-rock. Ces répétitions, loin de constituer un enfermement et de produire un effet d’obsession, élargissent l’espace de liberté des improvisateurs. Il est frappant d’entendre à quel point la grille répétitive et circulaire de blue in green (Davis, 1959), inspire au musicien un de ses solos les plus lyriques malgré sa courte durée. La fascination de Miles Davis pour les formes circulaires, que l’on peut trouver sur l’album So what est exprimée de manière explicite par le titre des deux premières plages de Miles Smiles (Davis, 1966), intitulées respectivement Orbit et Circles.
Dans ses improvisations, Miles procède souvent par la répétition d’une courte cellule développée et transposée au fur et à mesure. Ce procédé de développement en spirale que l’on peut percevoir clairement dans plusieurs des titres qu’il a composés et improvisés pour le film Ascenseur pour l’échafaud (Davis, 1957), est influencé par la forme poétique utilisée par les chanteurs de blues. Le poète Langston Hugues a souvent emprunté cette forme à des fins expressives. Chez Miles Davis, cette forme est systématisée, autonomisée et amplifiée. La répétition en spirale peut aussi être perçue dans des structures plus larges. Dans It’s About That Time (Davis, 1969), soutenu par le même ostinato rythmique et harmonique, Miles Davis prend le premier chorus puis laisse la place à la guitare et au saxophone. Son retour est l’occasion d’un déferlement d’énergie. Tony Williams qui s’était contenté jusque-là d’un battement continu sur la charleston, libère l’énergie contenue. La répétition et le retour au point de départ, constituent une libération au lieu d’un enfermement, une spirale et non pas un cercle fermé.
On peut également percevoir cette forme élargie de la spirale dans le poème épique Les Indes. Le poème commence devant la mer : « Nous sur la plage, il nous est fait licence de nous assembler à la proue de la voix, de crier, Sur la plage […] » (Glissant, 1994, p. 112) Mus par « l’air lyrique des départs » les navigateurs « s’élancent sur l’Atlantique à la recherche des Indes » (Glissant, 1994, p. 109). Après la découverte, vient la conquête. Aux massacres et aux saccages succèdent la déportation, les fers et les luttes pour la liberté. Le poème épique se termine par une évocation de la ville d’où le désir est né : Gênes. Les hommes prévoyants n’ont pas oublié « la première plage » mais ils se trouvent face à une Inde nouvelle : « Voici la plage, la nouvelle. Et elle avance pesamment dans la marée. » (Glissant, 1994, p. 165) Ce nouvel horizon n’est pas la conquête mais la Relation. Ce retour vers la mer ouverte engage non plus à la conquête de nouveaux territoires, mais à celle de son propre regard tourné désormais vers le visage de l’Autre. L’appel n’est plus celui d’un « nomadisme en flèche » mais celui d’un « nomadisme circulaire » (Glissant, 1990, p. 30).
À propos de ses essais, Édouard Glissant parle aussi « d’écho recomposé » et de « redite en spirale » (Glissant, 1990, p. 28). Les concepts ou plutôt les pensées, sont répétées et reformulées de livres en livres. Ainsi, au sujet de la Relation, le poète écrit dans L’intention poétique « la terre a cessé d’être essence, elle devient Relation » (Glissant, 1969, p. 190). Dans le Discours antillais, la Relation est « le feu majeur des poétiques à venir » (Glissant, 1981, p. 19). Elle est « l’effort sans limite du monde » dans Poétique de la Relation (Glissant, 1990, p. 186) Tout récemment, dans Philosophie de la Relation, le poète s’exclame : « Divination et prescience de la Relation, qui s’annonce, acceptons-en l’invitation partout incertaine, avec l’alliance des continents et des archipels. » (Glissant, 2009, p. 79). Ces reformulations, le plus souvent métaphoriques, nous incitent à faire cheminer ces pensées dans nos imaginaires et y ouvrir des espaces toujours plus larges.
L’alliage de la répétition et de l’échappée semble être pour l’écrivain un idéal esthétique, ainsi qu’il le formule lui-même :
Je ne sais pas à quel âge, dans mon très jeune temps, j’ai rêvé d’avoir développé un texte qui s’enroulerait innocemment mais dans une drue manière de triomphe sur lui-même, jusqu’à engendrer au fur et à mesure ses propres sens. La répétition en était le fil, avec cette imperceptible déviance qui fait avancer. Je m’ennuie encore de ne pas retrouver l’enhâlement tant tourbillonnant qu’il créait, qui semblait fouiller dans une brousse et dévaler des volcans. (Glissant, 2005, p. 20)
À travers le souffle, la mesure et la démesure ainsi que dans la figure de la spirale, nous percevons le travail de ces deux créateurs centré sur le rythme, chacun à sa manière. Au terme de ce parcours parmi les rythmes du poème et du jazz, nous pouvons peut-être arriver à la définition que Nelson Goodman donne du style, comme « aspects du fonctionnement symbolique d’une œuvre qui sont caractéristiques de l’auteur, d’une période ou d’un lieu » (Goodman, 1992, p. 63). Le style est ainsi une partie de ce qui est exprimé et en même temps la manière par laquelle cette partie est exprimée. Nous pouvons aussi en venir à la définition qu’Édouard Glissant donne du rythme comme « levier de conscience » (Glissant, 1969, p. 216).
Miles Davis et Édouard Glissant font tous les deux du rythme un levier de conscience ouvrant l’espace. Ce désir d’espace a été une préoccupation constante pour le musicien. Les conflits avec Thelonious Monk, l’évolution vers le jazz modal, puis la musique de fusion, relèvent de cette même préoccupation. De fait, Miles Davis et son compagnon de route John Coltrane, ont ouvert l’espace musical du vingtième siècle bien au-delà des limites du Jazz. Miles est l’un des principaux acteurs du renouveau de l’improvisation dans la musique occidentale. Son influence libératrice s’est exercée dans de multiples esthétiques, du rock à la musique contemporaine en passant par la chanson et le renouveau de la musique ancienne. On ne joue plus la musique de Bach de la même manière, après que l’on a entendu le phrasé de Miles Davis.
De la même manière, les lecteurs sensibles à l’écriture et à la pensée d’Édouard Glissant, ressentent presque physiquement cette extension de l’imaginaire et de la perception du monde que suscitent ses œuvres. La parole d’Édouard Glissant libère ceux qui veulent l’écouter, les mène à reconsidérer leur propre existence. Les rythmes et les métaphores en cascades les entraînent dans la prescience de cette nouvelle région du monde inextricable et imprévue. Cette quête d’un espace sans limite, on peut la percevoir dans de nombreux chorus du trompettiste, par exemple dans celui de Footprints (Davis, 1966). On peut également l’entendre dans la péroraison qui conclut Les Indes :
Ô course ! Ces forêts, ces soleils vierges, ces écumes font une seule et même floraison ! Nos Indes sont par delà toute rage et toute acclamation sur le rivage délaissées,
L’aurore, la clarté courant la vague désormais
Son soleil, de splendeur, mystère accoutumé, ô nef,
L’âpre douceur de l’horizon en la rumeur du flot,
Et l’éternelle fixation des jours et des sanglots. (Glissant, 1994, p. 109)
Un spectacle de danse et de musique africaine a inspiré à Miles Davis sa révolution modale. C’est donc la blessure d’un espace perdu et interdit qui est à l’origine de l’espace offert. Ainsi que le dit Édouard Glissant, dans « La barque ouverte », le traumatisme de la traite peut être résilié en « connaissance du tout ». « Le gouffre est aussi projection et perspective d’inconnu. Par delà son abîme, nous jouons sur l’inconnu. » « Nos barques sont ouvertes, pour tous nous les naviguons. » (Glissant, 1990, p. 21) L’extraordinaire force que symbolise le style de ces deux créateurs est ainsi le fruit d’une histoire commune, d’un élan vers « « l’aurore et la clarté courant la vague » né dans l’obscur de la cale mutilée. La force de ces deux rythmes ne peut cependant être réduite à cette histoire commune. Elle est le reflet de deux puissances créatrices qui transcendent leur siècle et qu’on ne peut expliquer ni réduire, sauf peut-être en rappelant que le trompettiste est né pendant le passage d’un ouragan, et le poète, lors d’un début d’éruption de la montagne Pelée.
Ouvrages cités :
BACKÈS, Jean-Louis. Musique et littérature, Paris, Presses Universitaires de France, 1994.
BERGEROT, Franck. Miles Davis, introduction à l’écoute du jazz moderne, Paris, Le Seuil, 1996.
BARTHES, Roland. Le Degré zéro de l’écriture, Paris, le Seuil, 1953.
BRITTON, Celia. « Introduction », Édouard Glissant and postcolonial Theory, Strategies of Languages and Resistance, Charlottesville et Londres, University press of Virginia, 1999.
— « Langues et langages dans le Tout-Monde », in Samia Hassab-Charfi et Sonia Zlitni-Fitouri ed., Autour d’Édouard Glissant, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2008, p. 238.
DAVIS, Miles, et TROUPE, Quincy. The Autobiography, New York, Touchstone, 1989.
GLISSANT, Édouard. Soleil de la conscience, Paris, Gallimard, 1956.
— Le Discours antillais, Paris, Gallimard, 1981.
— L’Intention poétique, Paris, Gallimard, 1969.
— Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1990.
— Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1993.
— Poèmes complets, Paris Gallimard, 1994.
— Visite à Édouard Glissant, entretiens réunis par Gérard Cléry, Paris, Caractère 2001.
— La Cohée du Lamentin, Paris, Gallimard, 2005.
— Philosophie de la Relation, Paris, Gallimard, 2009.
GOODMAN, Nelson. Manières de faire des mondes, Paris, Gallimard, 1992.
LALANDE, André. Vocabulaire critique et technique de la philosophie, Paris, Presses Universitaires de France. 1926.
LOCKE, Alan Leroy. Le rôle du nègre dans la culture des Amériques, Introduction par Anthony Mangeon, Paris, L’harmattan, 2009.
MANGEON, Anthony. Lumières noires discours marrons, Thèse de doctorat en littérature comparée, Université de Cergy Pontoise, 2004,
MOLINIÉ, George. « Pour une poétique d’Édouard Glissant, in Jacques Chevrier ed., Poétiques d’Edouard Glissant, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999.
SAUVANET, Pierre. Le Rythme et la Raison, Paris, Kimé, 2000.
SOURIAU, Étienne. Vocabulaire d’esthétique, Paris, Presses Universitaires de France, 1990.
Discographie :
DAVIS, Miles. Birth of the cool, Capitol, 1949, (édité en 1959).
— Kind of blue, Columbia, 1959.
— Miles Smiles, Columbia, 1967.
— Sorcerer, Columbia 1967.
— Nefertiti, Columbia, 1968.
— In a silent way, Columbia, 1969.
— Bitches Brew, Columbia, 1970.
— Tutu, Warner, 1986.